L'agence de notation Fitch a abaissé vendredi d'un cran la note de la dette de l'Espagne, estimant que les perspectives de croissance sont affectées notamment par la dette privée, malgré les efforts gouvernementaux pour réduire les déficits publics.
"La dégradation reflète l'opinion que le processus d'ajustement vers un niveau plus bas d'endettement privé et extérieur va matériellement réduire le taux de croissance de l'économie espagnole à moyen terme", selon l'agence qui prive l'Espagne de la meilleure note possible "AAA", la rabaissant à "AA+".
Wall street, en baisse modérée jusqu'ici, a creusé ses pertes à plus de 1% après l'annonce, et l'euro a décroché brutalement sous les 1,23 dollar.
L'annonce de Fitch est un nouveau coup dur pour l'exécutif de José Luis Rodriguez Zapatero, qui s'était retrouvé ces dernières semaines sous la pression des marchés et de ses partenaires européens à cause de ses déficits publics, certains craignant que l'Espagne ne tombe dans une crise budgétaire semblable à celle de la Grèce.
L'agence de notation Standard & Poor's avait réduit la note de l'Espagne de "AA+" à "AA" le 28 avril, estimant que les mauvaises perspectives de croissance à moyen terme allait saper la réduction des déficits publics.
M. Zapatero s'était résolu à annoncer le 12 mai d'impopulaires mesures d'austérité, pour ramener les déficits publics de 11,2% du PIB en 2009 à 6% en 2011 puis 3% en 2013.
Las! Malgré ce "fort engagement pour réduire le déficit budgétaire", salué par Fitch, le service de la dette extérieure et la nécessaire réduction de la dette privée justifient la dégradation.
"Le service du fardeau des intérêts" de la dette détenue par les étrangers "va réduire le revenu disponible", et Fitch "croit que la reprise économique sera plus basse que celle prévue par le gouvernement".
La ministre de l'Economie Elena Salgado a pourtant abaissé vendredi ses perspectives de croissance pour les années 2012 et 2013, à 2,5% et de 2,7% contre 2,9% et 3,1% auparavant.
Frappée par l'éclatement de la bulle immobilière, l'Espagne est entrée en récession fin 2008 et peine à renouer avec la croissance.
Le PIB a progressé d'un modeste 0,1% au premier trimestre par rapport au quatrième de 2009 et le gouvernement prévoit une contraction de 0,3% de l'activité sur l'ensemble de l'année.
Et si la dette publique est inférieure à celle de nombreux pays de la zone euro, évoluant aux alentours de 55% du PIB, celle du secteur privé, familles, entreprises, banques, est bien plus lourde, se montant à 178% du PIB selon Standard & Poor's.
La décision de Fitch reflète l'opinion de certains observateurs selon laquelle les mesures d'austérité ne sont qu'un premier pas vers un changement de modèle économique, qui doit passer par la réforme du marché du travail et la restructuration bancaire.
"La rigidité du marché du travail et la restructuration des caisses d'épargnes locales et régionales vont gêner le rythme de l'ajustement", estime Fitch.
La directrice du Trésor espagnol, Soledad Nuñez, a réagi en déclarant à Dow Jones que la décision de Fitch "est un fait négatif", et que le gouvernement continuait à oeuvrer pour réformer l'économie.
Le gouvernement a donné jusqu'à la fin mai aux partenaires sociaux pour s'entendre sur une réforme du marché du travail destinée à réduire la dualité entre travailleurs stables et précaires. Et jusqu'à la fin juin aux nombreuses caisses d'épargne régionales exposées à la crise immobilières pour fusionner.
Malgré tout, Fitch, qui maintient "stable" la perspective de l'Espagne, estime que "le profil crédit du pays reste très fort".