par Jeffrey Dastin
SAN FRANCISCO (Reuters) - Les activités d'Amazon (NASDAQ:AMZN).com, qui, bien au-delà de la distribution en ligne, touchent désormais des secteurs aussi différents que la production de films ou l'informatique dématérialisée, poussent les spécialistes à s'interroger sur la spécificité du géant de l'internet.
Le groupe américain basé à Seattle a publié un chiffre d'affaires en hausse de 23% au premier trimestre, supérieur aux attentes, ce qui a permis au titre d'atteindre un plus haut historique vendredi à Wall Street.
Mais certains craignent que si la croissance du numéro un du secteur s'arrête, les investisseurs se mettent à considérer la société comme un conglomérat, qui aujourd'hui n'ont plus la cote, et qui vaudrait donc moins que la somme de ses activités.
"Une croissance élevée peut cacher de nombreux péchés", déclare Harry Kraemer, du fonds d'investissement Madison Dearborn Partners.
"Imaginez-vous dirigeant une société où, pendant une minute on discute de la manière de gérer le fret aérien, et la minute suivante, on s'intéresse à l'intelligence artificielle", poursuit-il. "Je ne pense pas que cela soit viable."
Jusque là, les analystes ont rejeté l'idée de qualifier Amazon de conglomérat parce que ses activités, bien que variées, ont un rapport de près ou de loin avec le commerce. Les entrepôts, les poids lourds et les avions livrent leurs paquets aux acheteurs.
"Ce n'est pas comme General Electric (NYSE:GE) qui vend des services financiers et qui fabrique des moteurs d'avions", explique Colin Sebastian, analyste chez Baird Equity Research.
D'autres initiatives, comme son studio de télévision à Hollywood, semblent plus éloignées de son coeur d'activité. Amazon explique que son incursion dans le domaine de la vidéo lui a permis d'offrir des contenus uniques aux souscripteurs d'Amazon Premium tout en multipliant les abonnements à ce programme qui encourage les gens à acheter davantage et plus souvent.
L'AURA DE JEFF BEZOS
Le retour sur investissement est difficile à chiffrer. Le chiffre d'affaires généré par les abonnements au programme Amazon Premium et par les abonnements à d'autres services de médias a augmenté de 49% au premier trimestre à 1,9 milliard de dollars (1,74 milliard d'euros), a annoncé le groupe jeudi. Il n'a pas précisé les coûts des contenus pour son service Amazon Prime Video, mais un analyste les a évalués à plus de trois milliards de dollars pour 2016.
Amazon n'a pas répondu à une demande de commentaires.
Les conglomérats comme GE apparaissent aujourd'hui démodés. Du point de vue des boursiers, Amazon ne semble pas être considéré comme un conglomérat : son PER (price earning ratio) est environ dix fois supérieur à celui de Berkshire Hathaway Inc et de United Technologies Corp (NYSE:UTX).
Les investisseurs délaissent les actions des conglomérats d'une part en raison de la difficulté à gérer des activités très diverses et d'autre part parce qu'ils estiment que le marché est plus efficace pour draîner les investissements vers divers secteurs industriels que ne l'est un conglomérat à lui seul.
Un rapport de 2012 de McKinsey & Co a montré que le chiffre d'affaires des conglomérats a progressé en moyenne de 6,3% par an entre 2002 et 2010, tandis que celui des entreprises "spécialisées" a augmenté de 9,2%.
Amazon reconnaît que ses activités vont dans de nombreuses directions, mais souligne qu'elles s'inscrivent dans un but de long terme, et non dans une perspective de gains rapides.
En outre, si Amazon est considéré, pour l'instant du moins, comme un cas à part, c'est aussi en raison de l'aura qui entoure son fondateur, le milliardaire Jeff Bezos, considéré par beaucoup comme un entrepreneur de génie qui a créé sa société de lanceurs spatiaux Blue Origin et racheté le Washington Post.
Erik Gordon, professeur à l'Université du Michigan, se montre sceptique. "On hésite à parier qu'il parviendra à faire ce qui est vraiment très difficile à faire, comme l'histoire l'a montré plus d'une fois."
"Laissons-le cinéma à Bog Iger", ajoute-t-il, évoquant le PDG de Walt Disney.
(Catherine Mallebay-Vacqueur pour le service français, édité par Danielle Rouquié)