Industrie grippée, tourisme au ralenti, inflation en hausse et comptes publics en baisse: trois mois après la chute du président Hosni Moubarak, l'état préoccupant de l'économie égyptienne pousse Le Caire à solliciter l'aide internationale.
Ces difficultés, sur fond de fortes attentes sociales, de poussées de violence interconfessionnelle et d'incertitudes politiques, alimentent les craintes pour la transition démocratique promise.
"Les manifestations, de même que les grèves dans un grand nombre d'entreprises du secteur public après la révolution ont ralenti la production, affaibli la productivité et réduit les revenus de nombreuses compagnies", souligne Rachad Abdo, professeur d'économie à l'Académie Sadate.
Le gouvernement, qui vient de faire parvenir une demande officielle de prêt au Fonds monétaire international (FMI), estime entre 10 et 12 milliards de dollars les besoins de financement de la part de la communauté internationale d'ici mi-2012, dont la moitié environ de la part du FMI et de la Banque mondiale.
L'Egypte est également invitée, ainsi que la Tunisie, à participer fin mai au G8 de Deauville (France) qui doit adopter des plans d'actions pour soutenir la transition vers la démocratie dans ces deux pays pionniers du "printemps arabe".
Dans le cas de l'Egypte, pays le plus peuplé de cette région avec quelque 84 millions d'habitants -dont la moitié vit avec moins de deux dollars par jour- le défi est considérable.
Selon le ministère de l'Economie, l'économie tourne à 50% de sa capacité et les exportations ont chuté de 40% depuis janvier. Les grèves auraient à elles seules coûté 1,1 milliard de dollars au budget.
Le secteur vital du tourisme, autrefois en pleine expansion, est frappé de plein fouet, avec 2,27 milliards de dollars de recettes perdues depuis le début de l'année.
Alors que les visiteurs commençaient, à grand renfort de rabais, à revenir en Egypte, les récents affrontements entre musulmans et chrétiens au Caire ont fait à nouveau chuter les réservations, a admis le ministre du Tourisme, Mounir Fakhri Abdel Nour.
L'inflation a atteint le chiffre de 12,1% en tendance annuelle en avril, son plus haut niveau depuis mars 2010. Une situation lourde de menaces sociales, due notamment à l'envolée des prix des denrées alimentaires (+21% en glissement annuel), en particulier les fruits et les légumes (+52%).
Le FMI a estimé en avril que la croissance égyptienne devrait tomber à 1% cette année, contre 6% espérés avant les événements de janvier et février. L'Institut de la finance internationale, groupe de grandes banques de 70 pays, a quant à lui estimé que le produit intérieur brut du pays pourrait chuter de 2,5%.
Le ministre des Finances, Samir Radwan, s'est toutefois voulu confiant pour le long terme, lors d'une récente intervention publique.
"Malgré les pertes, les bases de l'économie égyptienne restent fortes, et ce qui a été réalisé avec la révolution en termes de vraies réformes démocratiques surpasse les manques à gagner et leurs conséquences", a-t-il déclaré.
M. Radwan s'est notamment déclaré confiant dans les investissements venant de pays du Golfe, en particulier du Qatar et d'Arabie saoudite.
Mais les fortes attentes sociales des Egyptiens risquent de continuer de peser sur les finances publiques, dans un pays qui consacre déjà une grande partie de son budget à subventionner des produits de base comme le pain.
Pour Khaled Ali, du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux, "il faudrait revoir le budget pour relancer l'éducation, la santé, la protection sociale et augmenter les salaires".
Il faut désormais "donner aux travailleurs égyptiens les moyens d'une vie digne", estime-t-il.