Après l'affaire de la nomination de son président, François Pérol, le groupe Banque Populaire-Caisse d'Epargne (BPCE) connaît de nouveaux déboires judiciaires avec la désignation d'un juge d'instruction pour enquêter sur l'entrée en Bourse en 2006 de sa filiale Natixis.
Natixis a été la banque française la plus atteinte par la crise des "subprimes" aux Etats-Unis.
S'estimant lésés lors de l'introduction en Bourse de cette filiale de BPCE en novembre 2006, trois petits actionnaires ont porté plainte avec constitution de partie civile, ce qui a entraîné l'ouverture d'une information judiciaire confiée au juge d'instruction René Grouman.
L'enquête vise les chefs de "diffusion d'informations trompeuses" et "présentation de comptes inexacts", a-t-on précisé vendredi de sources proches du dossier.
"C'est à mes yeux le plus gros scandale bancaire depuis 20 ans", a déclaré à l'AFP Colette Neuville, présidente de l'Association des actionnaires minoritaires (Adam), qui coordonne les dépôts de plainte.
Depuis son entrée en Bourse, le cours de Natixis, contrôlé à 71,5% par la Caisse d'Epargne et Banque Populaire, a dégringolé. Introduit à 19,55 euros, l'action ne valait vendredi à la Bourse de Paris que 4,24 euros après avoir chuté à 1,49 euro en mai 2009.
L'Autorité des marchés financiers (AMF) avait d'ailleurs ouvert elle aussi une enquête fin 2008, avant de mettre la banque "hors de cause" en juin dernier.
"La désignation d'un juge est une bonne nouvelle car nous allons pouvoir avoir accès au dossier et des actionnaires vont pouvoir à leur tour se constituer partie civile", s'est félicitée Mme Neuville, précisant que "776 actionnaires lésés ont à ce jour monté un dossier pour être parties civiles".
Des premières plaintes déposées par des actionnaires avaient abouti à l'ouverture par le parquet de Paris d'une enquête préliminaire au cours de laquelle les sièges de Natixis et de ses maisons mères, la Banque populaire et le groupe Caisses d'épargne, avaient été perquisitionnés.
Présenté comme un placement de "père de famille", le titre Natixis avait été proposé par les conseillers bancaires de la Banque populaire et de la Caisse d'épargne de façon insistante, selon Me Alain Géniteau, l'avocat de l'Adam.
L'introduction en Bourse avait connu un grand succès populaire, plus de 2,8 millions de particuliers souscrivant des titres Natixis.
Depuis la banque de financement et d'investissement a cumulé les déboires. Natixis a été l'établissement français le plus touché par la crise des "subprime" aux Etats-Unis. Elle a accusé une perte nette de 2,8 milliards d'euros en 2008 et de 1,7 milliard d'euros en 2009, avant d'entamer un redressement ces derniers mois.
"Les conseillers, ou plutôt devrions-nous dire les vendeurs de la banque, ont profité du capital de confiance dont jouissent les Caisse d'Epargne et la Banque populaire pour aller démarcher dans la France entière des gens qui n'avaient rien demandé pour qu'ils transfèrent leur capital vers Natixis, parfois depuis un Livret A", a déploré Mme Neuville.
BPCE est déjà dans le collimateur de la justice depuis 2009 concernant les conditions de nomination à la présidence de son conseil d'administration de l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, François Pérol.
Contestée par l'opposition et les syndicats, dont plusieurs ont porté plainte, la nomination de M. Pérol à la tête de BPCE doit faire l'objet, contre l'avis du parquet de Paris, d'une enquête pour "prise illégale d'intérêts" menée par un juge d'instruction.