Avant même qu'elle ne soit ouverte, les Européens ont engagé les hostilités lundi sur la succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI, avec pour beaucoup la ferme intention de conserver dans leur giron ce poste stratégique.
"Dans cette phase, il y a de bonnes raisons pour dire que l'Europe a de bons candidats", a déclaré à Berlin la chancelière Angela Merkel, alors que le la zone euro traverse la pire crise de confiance de sa jeune histoire avec les problèmes budgétaires rencontrés par plusieurs pays.
La Belgique lui a emboîté le pas, son ministre des Finances Didier Reynders estimant à Bruxelles "préférable que l'Europe continue à occuper ce poste", sur lequel lorgnent les pays émergents.
Mais ces prises de positions avant même que le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn ait démissionné ou été démis de ses fonctions, suite à son incarcération pour tentative de viol dans un hôtel à New York, ne sont pas du goût de tout le monde.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a ainsi jugé "indécent de voir que certains gouvernements ont engagé ce débat (...) qui n'a pas lieu d'être".
Pour ce qui est des interrogations sur le profil du prochain directeur du FMI, "tant que Dominique Strauss-Kahn n'a pas démissionné, je refuserai de répondre à cette question", a-t-il déclaré aux journalistes après une réunion des ministres des finances de la zone euro à Bruxelles.
La ministre française des Finances Christine Lagarde a également refusé de commenter les spéculations qui la donnent comme possible remplaçante de Dominique Strauss-Kahn au FMI, et jugé "prématuré" de débattre de la question.
Pour appuyer ses arguments, Berlin fait valoir que la crise de la dette qui agite l'Europe depuis maintenant un an accapare tant le FMI, co-architecte et co-financier des aides aux pays en difficulté, qu'il serait logique qu'un Européen poursuive la tâche.
L'Allemagne, première économie européenne, est le plus gros contributeur aux aides accordées à la Grèce, l'Irlande et au Portugal. Face à une opinion publique très réticente, Berlin a tout intérêt à ce que la crise soit jugulée le plus rapidement possible. Et considère que "dans la situation actuelle", c'est un Européen qui s'en acquitterait le mieux.
Depuis sa création en 1944, le FMI a toujours été dirigé par un Européen, la présidence de la Banque mondiale revenant à un Américain. Mais cette répartition est de plus en plus contestée dans les pays émergents, dont l'importance pour l'économie mondiale n'a cessé de croître.
"A l'heure actuelle ce ne sont pas les économies les plus dynamiques qui sont aux manettes", fait remarquer Sylvain Broyer, économiste de Natixis, "ce serait bien maintenant de tendre la main aux émergents".
Sous la présidence de M. Strauss-Kahn, le FMI a d'ailleurs entrepris de se réformer, vers une plus grande représentativité des pays émergents. Mais de là à leur confier la direction, le pas est de taille.
Berlin cherche-t-il déjà à placer un candidat? Outre Christine Lagarde, la presse allemande évoque l'ancien président de la banque centrale allemande Axel Weber, un temps pressenti pour présider la BCE, ou l'ancien ministre des Finances Peer Steinbrück.
Côté Asie, la division semble régner entre les différents pays qui visent le poste, Inde et Chine en tête. Aucun candidat asiatique ne paraît avoir reçu le soutien d'un pays de la région autre que le sien. Toutefois, le nom de l'ancien administrateur turc du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), Kemal Dervis, revient souvent.