par Gavin Jones
ROME (Reuters) - Le parlement italien a définitivement adopté mardi le projet de budget 2016 présenté par Matteo Renzi malgré les réserves de la Commission européenne face aux nombreuses dispositions susceptibles de déroger aux règles budgétaires de l'Union européenne.
La mesure phare de ce projet est l'abolition de la taxe sur les résidences principales, à l'image de ce qu'avait décidé en son temps Silvio Berlusconi, ce qui pourrait coûter environ 3,5 milliards d'euros à l'Etat.
La loi de finances supprime aussi des prélèvements sur les équipements agricoles et industriels, offre des exemptions fiscales aux entreprises investissant dans des dépenses d'équipement et abaisse la redevance télévisuelle.
Matteo Renzi a aussi ajouté ces dernières semaines dans le projet de budget une prime mensuelle de 80 euros pour les policiers et les militaires et un versement exceptionnel de 500 euros pour tous les Italiens âgés de 18 ans à dépenser dans des activités culturelles, comme le cinéma.
Ses détracteurs accusent le président du Conseil de multiplier les cadeaux à l'approche des élections municipales prévues l'année prochaine en Italie.
Matteo Renzi réplique que les mesures en faveur des forces de l'ordre sont nécessaires à la lumière des attentats du 13 novembre à Paris qui ont fait 130 morts et que "à chaque euro dépensé pour la sécurité doit correspondre un euro dépensé pour la culture".
Le budget, déjà approuvé par la Chambre des députés, a été adopté au Sénat par 162 voix contre 125 par le biais d'un vote de confiance, nettement avant la date butoir fixée à la fin de l'année.
RENZI CRITIQUE L'ALLEMAGNE
Il assouplit les objectifs convenus avec la Commission européenne en matière de réduction du déficit budgétaire et de la dette. Pour l'exécutif européen, la reprise économique après des années de récession devrait au contraire inciter l'Italie à consolider ses finances publiques plutôt qu'à ralentir ses efforts.
Rapportée au produit intérieur brut, la dette publique de l'Italie, qui représente 133% de son PIB, est la plus élevée de la zone euro derrière celle de la Grèce.
La Commission européenne a rangé en novembre l'Italie parmi quatre pays de la zone euro dont les budgets risquent de s'écarter des règles communautaires. Elle a reporté son jugement définitif au mois de mai tout en exhortant les parlementaires italiens à apporter les corrections réclamées lors de l'examen du texte.
Les députés et sénateurs italiens n'ont pas suivi cette recommandation et ont au contraire élargi davantage le budget.
La principale inquiétude de Bruxelles porte sur le déficit structurel de l'Italie, qui devrait se creuser de 0,4 point de PIB en 2016 au lieu de se réduire de 0,5 point comme prescrit par l'UE.
Matteo Renzi compte respecter le plafond de 3% du PIB prévu par les règles européennes. Il a néanmoins progressivement relevé l'objectif de déficit pour 2016, passé de 1,8% du PIB initialement à 2,4% ce mois-ci, contre 2,6% en 2015.
Face aux critiques, le président du Conseil italien a accentué ses attaques contre ce qu'il présente comme une obsession de rigueur budgétaire dictée par l'Allemagne.
"Disons les choses franchement (...), l'Europe doit être au service des 28 pays qui la composent et pas d'un seul", dit-il dans une interview publiée mardi par le Financial Times.
A ses yeux, la priorité de l'Italie doit être de soutenir son redressement économique.
Le budget contient une autre disposition contestée, le relèvement de 1.000 à 3.000 euros du plafond autorisé pour les transactions en liquide. Certains craignent que cela n'aggrave une évasion fiscale déjà problématique pour l'Italie.
(Bertrand Boucey pour le service français)