L'éventualité de l'arrivée de la SNCF sur les lignes intérieures en Allemagne y a suscité de vives protestations, relançant le débat sur la libéralisation à géométrie variable du secteur ferroviaire en Europe.
Keolis, la filiale de transports publics de la SNCF, a fait des demandes de sillons (créneaux de circulation des trains) pour la période 2011-2015, sur des grandes lignes stratégiques en Allemagne: de Francfort à Cologne et Hambourg, de Francfort à Berlin et de Berlin à Hambourg.
La Deutsche Bahn (DB) a dit avoir été "bluffée" par ce qui a été considéré, à Berlin, comme une agression. Ulrich Homburg, son responsable du transport de passagers, a même prédit une "bataille sanglante".
Si l'Allemagne a choisi d'ouvrir ses lignes intérieures à la concurrence, allant plus loin que les directives européennes, la France n'en a pas fait autant. Et rien ne l'y oblige encore.
"On ne peut reprocher à la SNCF de vouloir demander des sillons en Allemagne. La DB souhaite cependant que les gouvernements mettent en place des conditions d'accès similaires dans toute l'Europe. Particulièrement en France, où le marché n'est pas ouvert", a déclaré un porte-parole de la compagnie allemande à l'AFP.
"Cela ne peut pas continuer ainsi. La concurrence est une bonne chose, mais elle doit exister des deux côtés", a estimé le nouveau ministre allemand des Transports Peter Ramsauer, précisant qu'il s'était déjà plaint à son homologue français Dominique Bussereau.
A Paris, la direction de la SNCF "assume pleinement le fait d'avoir demandé des sillons", mais veut "apaiser la situation".
Officiellement, la SNCF s'en tient pour l'instant à son partenariat avec la DB, même si leurs relations ont été tendues ces derniers mois: les deux compagnies exploitent ensemble les trains passant la frontière (Paris-Francfort, Paris-Strasbourg-Stuttgart-Munich et Paris-Bruxelles-Cologne).
Cependant, "il faut savoir préparer l'avenir", a deit un responsable du groupe français à l'AFP. Les entreprises ferroviaires devaient présenter des demandes de sillons en Allemagne avant le 19 octobre, pour la période 2011-2015. "Cinq ans, c'est long. Ca fige le marché. Alors on prend des options, on balaie large, et puis on verra!"
Les demandes devront être confirmées en avril, a expliqué le responsable, notant que "ces sillons ne seront peut-être pas utilisés".
Il a précisé que si les Allemands se préparent très à l'avance, l'attribution des sillons se fait d'une année sur l'autre en France. Or, il n'est pas impossible que la concurrence arrive en France avant 2016: la DB pourrait donc lancer ses trains en France avant le prochain "round" d'attribution de sillons en Allemagne, selon lui.
En ce qui concerne cette ouverture du marché interrégional, la SNCF se dit "prête pour la concurrence", mais renvoie la balle dans le camp du gouvernement, seul habilité à décider.
Les premiers concurrents de la SNCF devraient arriver avec les lignes internationales, officiellement libéralisées le 13 décembre. Mais il n'y en aura pas avant l'été 2010, le seul candidat, l'italien Trenitalia, n'étant pas prêt. Et la DB ne sera pas là avant au moins 2011.
Aucune date n'est en revanche fixée pour l'ouverture des relations intérieures françaises. Selon des experts, elle viendra naturellement avec le cabotage, qui sera possible sur les relations internationales. Un concurrent pourra prendre des passagers de Paris à Strasbourg sur un Paris-Munich, par exemple.
Autre hypothèse qui circule: une libéralisation totale et rapide du marché du transport de passagers après la présidentielle de 2012.