Le spectre d'une nouvelle crise alimentaire deux ans après les émeutes de la faim a suscité de vifs débats lors du Forum de Davos où les leaders ont pris très au sérieux une menace qui risque de s'amplifier avec l'expansion de la population mondiale.
Devant un parterre de grands patrons et de politiques, le président français Nicolas Sarkozy a répété jeudi que la sécurité alimentaire avait été mise en tête des priorités de la présidence française du G20.
Alors que les prix des denrées ont atteint des niveaux comparables à ceux de 2008 au moment des "émeutes de la faim", cette décision a été largement soutenue par son homologue indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, qui a fait de la question le thème majeur de son allocution.
"La prochaine guerre ou conflit économique pourrait avoir lieu autour de la rareté des ressources si nous ne gérons pas le problème ensemble", a-t-il averti, soulignant le danger d'explosion sociale.
La menace est considérée comme réelle, d'autant que les prix des produits alimentaires, dans le sillage des matières premières, ne cessent de progresser, sous l'effet conjugué d'une forte augmentation de la demande des pays émergents, des problèmes climatiques ayant affecté les récoltes ainsi que de la spéculation.
Pour beaucoup, les manifestations de 2008 semblent désormais n'avoir été que le premier avertissement d'un problème qui devrait se faire de plus en plus pressant avec l'explosion attendue de la population mondiale.
Selon un rapport d'expert de mi-janvier, la combinaison de l'impact de la montée des températures sur la production agricole et de la croissance de la population mondiale, qui devrait atteindre 7,8 milliards d'individus en 2020 (plus 900 millions par rapport à aujourd'hui), pourrait entraîner des pénuries pour trois des quatre principales cultures du globe.
Lors d'une table ronde, la directrice du Programme alimentaire mondial, Josette Sheeran, a soulevé la question devenue brûlante après les manifestations en Afrique du Nord, dont beaucoup craignent qu'elles ne fassent tâche d'huile.
Que vont devenir les millions de laissés-pour-compte si les prix de l'alimentation deviennent inabordables?, s'est-elle interrogée.
"Nous ne savons pas qui va régler (le problème) mais nous savons qu'il faut le faire", a rétorqué la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, estimant que le monde ne pouvait se permettre de nouvelles crises alimentaires. Ces crises généreraient "beaucoup d'autres problèmes", pas seulement pour les économies en développement. "Cela nous affecterait tous".
La France travaille sur plusieurs pistes dont la mise en place d'un mécanisme visant à empêcher les interdictions unilatérales d'exportations de produits sensibles.
Une autre piste, qui a la faveur des Etats-Unis et de la Banque mondiale, réside dans l'expansion de l'offre agricole.
"Nous pensons qu'il est plus intelligent et plus efficace de soutenir l'agriculture pour se prémunir d'une augmentation plus importante des prix alimentaires", a expliqué l'administrateur de l'agence d'aide au développement des Etats-Unis (USAID), Rajiv Shah.
Des pays comme la Tanzanie ont déjà avancé sur la question. Son président, Jakaya Kikwete, a lancé à Davos un programme public-privé novateur de 3,5 milliards de dollars pour créer une bande verte fertile dans le pays qui devrait permettre de sortir 2 millions de personnes de la pauvreté et d'assurer la sécurité alimentaire du pays.
Le projet impliquant 17 grands groupes internationaux, tels Unilever, Monsanto, Nestlé et Coca-Cola, pourrait faire des émules.