Le gouvernement britannique a donné son feu vert lundi à une réforme en profondeur du secteur bancaire qui, une fois n'est pas coutume, va plus loin qu'ailleurs en Europe pour tenter de mettre à l'abri les dépôts des particuliers en cas de nouvelle crise financière.
S'adressant au Parlement, le ministre des Finances George Osborne a apporté son soutien total aux conclusions de la commission Vickers qui avait préconisé en septembre de séparer les activités de détail des banques de celles d'investissement, afin d'éviter une répétition du scénario cauchemar de 2008.
L'Etat avait alors dû intervenir à grands frais pour éviter la faillite de certains établissements, dont Royal Bank of Scotland qu'il détient désormais à 83%, un sauvetage en partie à l'origine du plan de rigueur actuel.
M. Osborne a expliqué que l'importance du secteur financier au Royaume-Uni obligeait à prendre des mesures spécifiques.
"Le gouvernement séparera les activités de détail et d'investissement des banques en les cloisonnant (..) pour protéger l'économie britannique et les contribuables, en s'assurant qu'aucune d'entre elles n'est trop grosse pour faire faillite", a-t-il dit.
M. Osborne a promis qu'une loi serait adoptée avant la fin de la législature actuelle, en 2015. Mais les banques, opposées au projet, ont obtenu que la mise en oeuvre puisse être retardée jusqu'en 2019.
Les modalités précises de la réforme ne seront connues qu'à l'issue d'une période de consultation.
Selon le ministre, elle coûtera entre 3,5 et 8 milliards de livres (entre 4,2 et 9,5 milliards d'euros) par an aux banques britanniques.
Il a aussi entériné la proposition visant à un renforcement des capitaux les plus solides des banques, qui devront être portés à 10% pour leur branche de détail, au delà des objectifs fixés à l'échelle internationale.
La commission dirigée par l'économiste John Vickers avait écarté l'option d'un démantèlement pur et simple des banques dites "universelles", comme Barclays ou HSBC.
Mais elle avait réclamé la création de "pare-feux" entre les activités consacrées aux particuliers et les banques d'affaires des grands établissements -assimilées à des "casinos" par leurs nombreux détracteurs.
Les banques ont répété que, même adoucie, cette réforme arrivait au plus mauvais moment, en pleine crise de la dette dans la zone euro, et risquait d'affaiblir encore l'économie en leur imposant des contraintes supplémentaires.
Certaines ont réactivé la menace d'une délocalisation de leur siège à l'étranger, notamment en Asie.
Mais le Premier ministre conservateur David Cameron doit aussi tenir compte d'une opinion toujours très remontée contre les banques et de ses alliés libéraux-démocrates, membres de la coalition au pouvoir, favorables à une réforme de grande ampleur.
L'Association des banques britanniques s'est alarmée pour sa part d'une "réforme unilatérale", sans équivalent à ce stade en Europe.
De fait, Londres est en pointe sur ce sujet alors que M. Cameron vient de mettre son veto à un traité européen au nom des intérêts de la City -qui se bat à Bruxelles contre une régulation accrue de certains produits financiers et l'instauration d'une taxe sur les transactions financières.
M. Osborne a même regretté lundi que la Commission européenne ait fixé certaines limites au niveau de fonds propres exigé des banques, tout en estimant que Londres arriverait à la convaincre du bien-fondé de sa position.
Le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, a assuré qu'il suivait de "très près" la réforme initiée par les Britanniques pour limiter les risques liés aux banques d'investissement, indiquant qu'elle pouvait intéresser l'ensemble de l'Union européenne.