La zone euro a décidé mardi de reporter à nouveau un déblocage d'une aide cruciale pour éviter une faillite de la Grèce, Athènes n'ayant pas rempli à temps toutes les conditions, alors que certaines voix s'élèvent pour évoquer une sortie du pays de la monnaie commune.
"Il semble que de nouveaux travaux techniques doivent encore être réalisés entre la Grèce et la troïka" qui rassemble les principaux bailleurs de fond du pays, et ce "dans plusieurs domaines", a expliqué mardi soir le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.
Du coup, une réunion de leur forum de l'Eurogroupe, initialement prévue mercredi à Bruxelles pour approuver le plan de sauvetage, a été annulée et remplacée par une simple conférence téléphonique. La décision a été repoussée à lundi.
Athènes espérait pourtant s'assurer dès mercredi soir un feu vert pour une aide sans précédent de 230 milliards d'euros en deux volets, prévue en échange de mesures drastiques d'austérité et de réformes: 100 milliards d'euros d'effacement de dette par les banques et 130 milliards d'aide publique.
Le vote dimanche par le parlement grec du programme d'austérité exigé par ses créanciers publics avait levé un premier obstacle. Mais Athènes devait aussi trouver avant mercredi 325 millions d'euros d'économies supplémentaires dans son budget 2012 et les dirigeants des partis grecs au pouvoir devaient s'engager par écrit à mettre en oeuvre les réformes après les élections d'avril.
Or, après une réunion mardi de hauts fonctionnaires de la zone euro destinée à préparer l'Eurogroupe, il est apparu que le trou de 325 millions d'euros n'était pas bouché de manière convaincante, selon une source ayant participé à la discussion.
"Le processus est plus long que prévu, tous les éléments ne sont pas encore en place", dit-elle à l'AFP.
Par ailleurs, "je n'ai pas reçu les garanties par écrit des chefs de la coalition au pouvoir en Grèce concernant la mise en place du programme d'austérité", a souligné M. Juncker.
A Athènes, le gouvernement grec entend décider "dans les prochains jours" des économies supplémentaires de 325 millions d'euros réclamées par les créanciers. Selon des médias grecs, une partie de cette somme proviendra d'une réduction d'environ 10% des salaires des régimes spéciaux (militaires, policiers, juges, diplomates, universitaires, etc.) et une autre d'une réduction du budget des ministères, dont celui de la Défense.
Concernant l'engagement écrit des socialiste et de la droite pour s'assurer qu'ils tiendront parole sur les réformes, y compris après les élections législatives prévues en avril, il "sera prêt mercredi", selon une source au ministère des Finances. Mais c'est trop tard pour plusieurs pays européens qui préfèrent attendre lundi pour trancher.
Dernier problème: La troïka n'a toujours pas remis aux ministres de l'Eurogroupe son analyse de la soutenabilité de la dette grecque, selon une source proche des négociations. Le projet de sauvetage du pays dans son ensemble - plan d'austérité, réduction de dette et renflouement financier - vise à ramener la dette publique de la Grèce à 120% du produit intérieur brut, contre 160% du PIB aujourd'hui.
Mais les discussions achoppent notamment sur le niveau de participation de la Banque centrale européenne à l'opération d'allègement de la dette d'Athènes, pour compléter l'effort des créanciers privés, ainsi que sur ses modalités.
Il y a aussi un désaccord sur le fait de savoir s'il faut conserver l'objectif d'un niveau d'endettement public grec ramené à 120% ou si l'on peut le laisser atteindre un niveau plus élevé, par exemple 125%. "Il y a les fétichistes du 120% qui n'en démordent pas", en particulier les Pays-Bas, l'Allemagne et la Finlande", dit une source proche des négociations.
La prochaine échéance est dont lundi avec la réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles, programmée de longue date. Selon la source, "on est encore dans les clous" pour espérer éviter un défaut de paiement en mars".
Mais, avertit un autre négociateur, les reports à répétition de l'aide à la Grèce deviennent inquiétants. "A croire qu'on veut aller vers le défaut de paiement sans le dire...", dit-il à l'AFP.
Pour éviter la banqueroute, Athènes doit absolument rembourser le 20 mars 14,5 milliards d'euros de créances, et obtenir le feu vert de ses partenaires au plan d'aide, qui représente un effort combiné supérieur à la richesse nationale annuelle produite par la Grèce (212 milliards d'euros attendus en 2012).
Un défaut de paiement grec aurait "des conséquences dévastatrices", non seulement pour Athènes, mais pour l'Europe entière, a mis en garde mardi le commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn.
Mais le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, n'a pas hésité à laisser entendre que la Grèce pourrait être exclue de la zone euro si elle ne tenait pas ses promesses de réformes et de réduction du déficit budgétaire.
"S'ils ne font pas tout cela, je pense qu'alors nous devrons continuer avec 16 pays" dans l'Union monétaire, a-t-il dit. "S'ils ne le font pas, je pense qu'ils s'excluent eux-mêmes de la zone euro", a-t-il insisté.