La Grèce a mis fin jeudi à un suspense de quatre jours entre farce et politique, en confiant à l'ex vice-président de la Banque centrale européenne la tâche de former un gouvernement de coalition avec la mission de sauver le pays de la faillite, et d'éviter sa sortie de l'euro.
Dès sa première déclaration, Lucas Papademos, 64 ans, qui deviendra le nouveau Premier ministre en remplacement du socialiste Georges Papandréou, a estimé que l'avenir de la Grèce est dans l'euro, même si sa situation actuelle, à un "carrefour crucial", est très difficile.
Il a appelé à "l'unité et la coopération" des partis pour mener à bien la difficile tâche qui l'attend, mais s'est par contre abstenu de préciser quelle sera la durée exacte de son gouvernement, dont la droite souhaite qu'il débouche sur des élections anticipées "rapides", et dont la composition doit être dévoilée vendredi matin.
Quasi simultanément, l'Union européenne, principal créancier du pays au bord de la faillite, l'a exhorté --dans un communiqué conjoint de son président et du chef de la Commission, Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso -- à rassurer ses partenaires quant aux engagements de rigueur d'Athènes pour réduire dette et déficits.
L'administration Obama a pour sa part salué le "consensus obtenu en Grèce à propos de la nécessité de mettre en oeuvre les engagements de réforme du pays pris auprès du FMI et de l'Union européenne".
La mission de M. Papademos a de fait été définie sur cette ligne par les trois partis de la majorité socialiste et de l'opposition de droite qui l'ont porté au pouvoir. Ils sont convenus qu'il devra "mettre en oeuvre les décisions du sommet de la zone euro du 26 octobre et la politique économique liée à ces décisions", a précisé la Présidence de la République.
En clair, mener à bien -et de front- deux gigantesques chantiers: poursuivre les mesures d'assainissement budgétaires et boucler les négociations avec les banques détentrices de dette grecque pour réduire de 100 milliards d'euros son montant de plus de 350 milliards.
Les principaux médias pariaient en soirée sur le maintien du ministre sortant, Evangélos Vénizélos, au poste-clé des Finances pour seconder M. Papademos dans cette tâche.
A ce prix, avec les nouveaux sacrifices qui en découleront pour les Grecs, le pays peut espérer être sauvé dans l'immédiat de la faillite, en décrochant avant la date-limite du 15 décembre le versement de nouveaux prêts cruciaux de 8 milliards d'euros, et à terme rester dans la zone euro.
Dans l'attente, la Grèce s'enfonce dans la récession comme l'ont montré des chiffres publiés jeudi à Bruxelles.
Jeudi soir, avant une manifestation du syndicat communiste Pame à Athènes pour dénoncer un choix dicté par "la ploutocratie et l'UE", le patronat grec a, lui, salué le choix de M. Papademos.
Le patronat a fait valoir que ce technocrate socio-libéral, qui passe pour avoir été le moteur intellectuel de la BCE au côté de Jean-Claude Trichet, et fut l'un des artisans de l'arrimage de la Grèce à l'euro au poste de gouverneur de la Banque de Grèce, constitue le "dernier espoir" pour le pays. A condition d'un "soutien" des Grecs.
Le compromis inter-partis sur M. Papademos a conclu quatre jours d'intenses tractations politiques, suivies avec inquiétude par l'UE et le FMI après l'imbroglio noué le 31 octobre par M. Papandréou avec son projet, avorté, de référendum sur le plan européen de désendettement.
Avant la prestation de serment fixée vendredi à 12H00 GMT de la nouvelle équipe, les partis impliqués ont participé jeudi soir à une réunion avec M. Papademos, qui a ensuite poursuivi l'élaboration de son équipe.
L'opposition de droite a indiqué que sa participation au gouvernement sera "substantielle", même si les médias prévoyaient des changements limités, notamment aux ministères de l'Intérieur, Police, Justice et Défense, pour ne pas freiner la mise au travail.
Depuis dimanche, et le ralliement de la droite au principe d'une alliance en échange du départ de Papandréou désavoué par la rue et ses troupes, les tractations se sont déroulées dans une atmosphère électrique.
Le point d'orgue de cette tragi-comédie relayée en direct par les télévisions est intervenu mercredi soir, lorsque les discussions ont brusquement tourné court, toujours en mondiovision, au risque de laisser le pays sans direction et au bord du gouffre.
M. Papandréou et son rival conservateur Antonis Samaras venaient apparemment de conclure un accord a minima pour désigner un apparatchik socialiste, président du Parlement sans expérience internationale au poste de nouveau Premier ministre, mais une bronca au sein de leurs bases respectives les en a dissuadés.
Pendant ce temps à Pékin, la directrice générale du FMI Christine Lagarde réclamait une nouvelle fois une "clarification politique" en Grèce ainsi qu'en Italie, alors que les Bourses dans le monde entier étaient bousculées par l'incertitude politique dans ces deux pays européens au coeur de la crise de la dette publique.
En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a souhaité jeudi "tout le succès possible" à quiconque prendra les rênes du gouvernement en Grèce tout en affirmant que le "seul objectif" de l'Allemagne depuis le début de la crise, était de "stabiliser la zone euro dans sa forme actuelle".
Jeudi soir, dans le centre d'Athènes, l'avocat quinquagénaire Evthymios Mavridis, estimait que M. Papademos "est à la hauteur du poste" et qu'il est "un bon choix pour la Grèce" tandis que pour Athanasios Thedosis, 43 ans: "les pions changent mais le jeu reste le même".