La volonté affichée du nouveau président chypriote d'obtenir "le plus tôt possible" un plan d'aide pour éviter la faillite du pays pourrait se heurter aux réserves tenaces des Européens et du FMI, soucieux d'éviter un nouveau scénario à la grecque.
"Chypre, c'est le petit caillou dans la chaussure. C'est petit, mais ça gêne et in fine ça peut empêcher de marcher", résume un diplomate européen, sous couvert de l'anonymat.
En dépit de l'élection dimanche du candidat pro-européen Nicos Anastasiades à la présidence de Chypre, l'équation reste complexe pour la petite île méditerranéenne qui espère obtenir de la zone euro et du FMI un prêt de 17 milliards d'euros, l'équivalent de son produit intérieur brut.
Saluant les résultats du scrutin chypriote lundi, Paris et Berlin ont formé l'espoir qu'un accord sur un plan d'aide puisse être conclu "avant la fin mars" mais cet objectif s'annonce d'ores et déjà incertain.
Avant de mettre la main à la poche, l'Union européenne et le Fonds monétaire international souhaitent obtenir des garanties sur la "viabilité" de la dette chypriote, instruits par les vicissitudes du programme d'aide accordé en 2012 à la Grèce.
Sans être identiques, les situations des deux pays présentent des similitudes: une économie en récession (-3,5% de recul attendu cette année à Chypre), une dette publique galopante qui pourrait dépasser cette année 90% du PIB à Nicosie et un secteur bancaire en piteux état.
Du point de vue des créanciers internationaux, la problématique est la même: un prêt à Chypre aiderait le pays à court terme mais gonflerait le poids de la dette et menacerait à terme sa solvabilité.
Très sensible sur cette question, le FMI n'a pas réagi officiellement à l'élection chypriote mais son porte-parole Gerry Rice a récemment redit que le Fonds attendait une "solution durable (...) compatible avec la viabilité de la dette".
L'institution de Washington semble tirer des leçons du précédent grec qui a creusé des divisions en son sein entre pays européens et puissances émergentes, qui refusaient toute mansuétude envers Athènes.
"Le FMI n'est pas une agence humanitaire et ne peut pas et ne doit pas supporter les coûts d'un prêt à des pays insolvables", assure à l'AFP Arvind Virmani qui était jusqu'en novembre le représentant indien au conseil d'administration du Fonds.
"Si Chypre s'avère insolvable, il n'y a aucune raison pour que le FMI lui accorde un prêt", ajoute-t-il.
En Grèce, les créanciers privés extérieurs du pays avaient dû consentir à un effacement de dette de plus de 100 milliards d'euros pour améliorer la solvabilité du pays et réduire son endettement.
Mais une telle option est difficilement applicable à Chypre, où la dette est majoritairement aux mains d'investisseurs nationaux. "Il n'y a pas de grosse dette externe privée. Même si on le voulait, on ne pourrait pas tondre les créanciers privés externes", souligne le diplomate européen.
Poids lourd en Europe, l'Allemagne pense que les outils utilisés à Chypre ne doivent pas être les mêmes qu'en Grèce.
Le FMI a récemment ouvert une piste en suggérant à la Russie d'accorder un délai à Chypre et d'assouplir les modalités de remboursement du prêt de 2,5 milliards d'euros qu'elle accordé à Nicosie en 2011.
La dette n'est par ailleurs pas la seule difficulté du dossier chypriote.
Mi-février, les dirigeants européens ont demandé à Chypre de clarifier sa position sur le blanchiment d'argent et ont affirmé que l'engagment du pays sur ce dossier était une "condition sine qua non" du versement d'une aide.
Nicosie a, depuis, rejeté la proposition européenne d'un audit privé sur cette question estimant n'avoir "rien à cacher".
"Il faut aller voir plus loin. Les textes chypriotes correspondent aux standards mais il faut voir la pratique", souligne le diplomate européen.