Sous la pression des marchés, la zone euro a fait un grand pas dans son intégration en mettant sur pied, en un an, une forme de Fonds monétaire inimaginable auparavant, pour renforcer sa stabilité mais aussi la solidarité financière entre ses membres.
"Nous avons ajouté un pilier économique au pilier monétaire. Il y a un an, je pense que nous aurions été très peu à parier sur un tel succès", s'est félicité le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
"Entre février 2010 (...) et aujourd'hui, on peut dire que beaucoup a été fait", a également relevé vendredi la chancelière allemande, Angela Merkel, notant que si la crise a été "un test" pour l'euro, elle a aussi permis aux Européens de "grandir ensemble".
Ils veulent éviter la répétition des attaques spéculatives qui ont obligé la Grèce et l'Irlande à recourir à une aide financière extérieure, et menacent à présent le Portugal.
Réunis jeudi et vendredi à Bruxelles, les dirigeants européens ont donc entériné un vaste dispositif pour se défendre contre les crises, dont l'élément central est un "mécanisme permanent de stabilité" pour voler au secours des pays ne parvenant plus à emprunter à des taux raisonnables sur les marchés.
A partir de mi-2013, il pourra prêter jusqu'à 500 milliards d'euros aux pays de la zone euro confrontés à des difficultés financières et/ou leur acheter des obligations souveraines.
Dans les faits, l'UE a ainsi "réussi à créer un Fonds monétaire européen", commente un diplomate. Encore difficile à concevoir il y a seulement un an pour nombre de pays.
Au printemps 2010, c'est dans l'urgence, au prix de réunions à répétition s'apparentant à des courses contre la montre, qu'un plan de sauvetage avait été élaboré pour la Grèce, puis un premier Fonds de secours financier.
Mais ce Fonds, depuis utilisé en Irlande, est seulement provisoire, pour trois ans.
Et les Européens, freinés par une Allemagne rétive à payer pour les autres, ont longtemps donné l'impression de tergiverser, d'agir seulement le dos au mur.
Le mécanisme s'accompagne aussi de mesures améliorant la convergence des politiques économiques nationales, notamment un "pacte pour l'euro": tous les membres de la zone euro, plus 6 autres pays européens, s'engagent à réformer leur économie et leurs systèmes de retraite, à limiter strictement leur dette et à pratiquer la modération salariale.
"Les marchés doivent savoir que nous défendons l'euro", prévient le Premier ministre belge, Yves Leterme.
Pour l'Allemagne, l'évolution est douloureuse car une clause importante du traité européen ("no bail out"), interdisant qu'un Etat en difficulté budgétaire soit renfloué par ses partenaires, a sauté.
Vendredi, sa presse s'est déchaînée contre les "promesses non tenues".
"Le contribuable allemand doit se porter garant pour d'autres, qui ont mené un train de vie insouciant. Et personne ne peut exclure qu'on nous fasse passer à la caisse", dénonce ainsi le quotidien populaire Bild, le plus lu du pays.
"La façon de penser a changé dans beaucoup de pays", a répondu la chancelière.
"On voit aujourd'hui que ce n'étaient pas seulement les attaques spéculatives des marchés, mais que nos propres problèmes ont aussi joué un rôle dans les difficultés qu'a connues l'Europe", a-t-elle souligné.
Plus que financière, la menace pourrait désormais être sociale.
La grogne monte dans beaucoup de pays contre les programmes d'austérité, qui ont déjà fait tomber les gouvernements irlandais et portugais. Et jeudi, en marge de la réunion européenne, entre 20.000 et 30.000 personnes ont encore manifesté à Bruxelles.