Mercedes saura mardi s'il peut de nouveau immatriculer en France plusieurs modèles bloqués par l'Etat au motif que ces véhicules représenteraient un danger pour l'environnement, une analyse contestée par le constructeur automobile allemand Daimler.
L'affaire remonte à juin, quand les ministères français de l'Ecologie et des Transports ont suspendu les immatriculations des classes A, B, CLA et SL de la marque à l'étoile. Motif invoqué: ces véhicules n'utilisent pas un nouveau fluide réfrigérant pour la climatisation, moins polluant et seul sur le marché à s'avérer compatible avec une nouvelle législation européenne.
Le constructeur allemand, qui conteste cette décision, avait remporté une première manche lorsque le tribunal administratif de Versailles a ordonné le 25 juillet la levée du blocage.
Mais le ministère a répliqué le lendemain en faisant jouer une clause de sauvegarde qui autorise un Etat membre de l'UE à ne pas immatriculer des véhicules pendant six mois maximum, s'ils représentent un danger pour la santé, l'environnement ou la sécurité routière.
Saisi en urgence par Daimler, le juge des référés du Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative française, tranchera mardi prochain, après avoir entendu les deux parties pendant plus de deux heures vendredi.
La direction générale de Mercedes France a de nouveau invoqué à l'audience un "risque élevé d'inflammation" en cas de collision, pour justifier sa décision de ne plus utiliser le nouveau fluide réfrigérant R1234yf,
Daimler avait fait homologuer en 2011 et en 2012 ses véhicules par l'agence fédérale allemande pour l'automobile (KBA) pour qu'ils puissent rouler avec le R1234yf, mais est revenu ensuite sur cette décision. Il a alors obtenu en juin de la KBA une extension des homologations pré-existantes qui lui a permis de revenir à l'ancien réfrigérant, le R134A.
"Brutal et insaisissable"
Ceci a valu à Daimler les réprimandes de Bruxelles, qui a menacé de lancer une procédure d'infraction contre l'Allemagne. "Cette manoeuvre a été unanimement dénoncée par les Etats membres et la Commission européenne", a insisté l'un des représentants du ministère, Samuel Therin. "On ne peut pas demander une nouvelle homologation et écouler ses véhicules sous couvert d'une extension", a-t-il critiqué, reprochant au groupe allemand d'avoir voulu éviter les surcoûts liés à l'usage du nouveau fluide.
Ils ont aussi remis en cause la dangerosité du nouveau fluide invoquée par Daimler puisqu'aucun autre constructeur, hormis Toyota, n'est revenu jusqu'à présent sur son utilisation. Le constructeur japonais a fait savoir vendredi qu'il était revenu à l'ancien réfrigérant R134a pour les modèles Prius Plus, Lexus GS et GT86 commercialisés en Europe.
Les autres groupes, comme les français PSA Peugeot Citroën et Renault, utilisent le R1234yf pour leurs modèles homologués après le 1er janvier 2013 et l'ancien fluide pour ceux homologués avant, conformément à la législation.
Pas sûr pour autant que cela justifie le recours à la clause de sauvegarde aux yeux du juge des référés, Jacques-Henri Stahl.
Le recours à cette clause nécessite en effet de montrer que Daimler, en continuant à faire rouler ses véhicules avec l'ancien gaz plus polluant, nuit fortement à l'environnement. "On est frappé par le caractère brutal et un peu insaisissable de la position de l'Etat français", a-t-il relevé.
Daimler de son côté a mis en avant le préjudice commercial subi, avec un peu plus de 4.500 voitures bloquées, dont environ 2.700 avaient déjà trouvé preneurs.
"Les véhicules concernés représentent 60% des ventes de Mercedes-Benz France et 40% de son chiffre d'affaires", a insisté son avocat, tandis que sa directrice commerciale, Marie-Claude Bidaut, pointait du doigt les risques de "dépôt de bilan" chez les concessionnaires.