Le projet de gazoduc TAP entre la Grèce et l'Italie a reçu jeudi des engagements financiers des majors pétrolières BP et Total ainsi que de l'Azerbaïdjan, musclant le projet face à ses rivaux Nabucco et Southstream pour construire le "corridor" gazier du sud de l'Europe.
Selon l'accord signé avec les actionnaires existants du Trans Adriatic Pipeline (le suisse EGL et le norvégien Statoil avec 42,5% chacun et l'allemand E.ON avec 15%), trois nouveaux partenaires disposent d'une option leur permettant de prendre jusqu'à 50% du capital.
BP, Total et la compagnie nationale azerbaïdjanaise Socar se sont également engagés à financer le projet jusqu'à la décision finale sur le tracé, attendue l'an prochain, a précisé TAP dans un communiqué. Les montants restent néanmoins modestes, selon une source proche du dossier.
L'Europe a soif de gaz : selon les prévisions de BP, les importations européennes vont doubler d'ici 2030.
Une voie nord vient d'être ouverte fin 2011 sous la mer Baltique par le consortium à dominante russe Nord Stream, mais l'Union européenne cherche à inaugurer une autre voie au sud, de préférence indépendante de Moscou.
L'enjeu est de relier les immenses gisements gaziers de la Mer Caspienne, en Azerbaïdjan et au Turkménistan notamment, et réduire encore plus la dépendance à la voie gazière passant par l'Ukraine, fragilisée par les tensions régulières entre Moscou et Kiev.
Mais les projets ont du mal à se concrétiser, notamment parce que la Russie et son champion Gazprom mènent leur propre tracé concurrent South Stream, dont l'italien Eni est actionnaire.
Un gazoduc géant dont le tracé (de Russie à Italie via mer Noire, Bulgarie, Serbie, Hongrie et Slovénie) pourrait torpiller les routes alternatives défendues par Bruxelles, selon des analystes.
La partie est du projet Nabucco à travers la Turquie étant largement compromise, les espoirs européens ont été revus à la baisse, avec des tracés plus courts pour atteindre la frontière nord-ouest de la Turquie. La liaison avec les gisements de la Caspienne passerait ensuite par le gazoduc transanatolien Tanap (également en projet), contrôlé par des compagnies turques.
Pour la partie européenne, deux options demeurent en lice, après l'abandon du projet SEEP en février : d'un côté Nabucco-Ouest, qui relie la Turquie à l'Autriche (via la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie) et TAP, qui passerait lui par le nord de la Grèce, l'Albanie puis sous la mer Adriatique pour ensuite rejoindre le sud de l'Italie au niveau des Pouilles.
BP lui même n'a pas encore tranché entre les deux options. "Notre but est de prendre la décision finale d'investissement pour le projet avant mi-2013", a expliqué un porte-parole du groupe à Londres.
Le géant britannique cherche à passer avec Nabucco un accord similaire à celui dévoilé jeudi avec TAP, a-t-il expliqué. Le consortium Nabucco est composé à l'heure actuelle de RWE (Allemagne), OMV (Autriche), MOL (Hongrie), Transgaz (Roumanie), Bulgargas (Bulgarie) et Botas (Turquie).
Pour BP, il s'agit s'assurer des débouchés commerciaux pour le gaz du champ géant de Shah Diniz, au large de l'Azerbaïdjan, dont il est l'opérateur. Il en détient 25,5%, tout comme Statoil, Total et la Socar en détenant chacun 10%. Sollicité par l'AFP, Total n'a pas souhaité faire de commentaire.
De source européenne à Bruxelles, on constate jeudi qu'un seul projet pourra voir le jour entre TAP et Nabucco-Ouest, pour lequel la Commission s'est beaucoup battu. Seul un accord hypothétique d'approvisionnement avec le Turkménistan rendrait possible la construction des deux pipelines.