Le gouvernement a dû subir mercredi les remontrances de Bruxelles sur ses prévisions de croissance et de déficits jugées trop optimistes, des reproches d'autant plus fâcheux pour lui qu'ils tombent en pleine période électorale.
Dans les prévisions qu'ils ont transmises à Bruxelles en début d'année, les Etats européens parient souvent sur un trop prompt rétablissement économique, a estimé la Commission européenne.
La France s'est ainsi engagée à réduire son déficit public de 8,2% du produit intérieur brut (PIB) cette année à 3% en 2013, à condition que la croissance atteigne 2,5% par an à partir de l'an prochain. Une prévision jugée "très optimiste" par Bruxelles.
En outre, "la stratégie définie ne laisse aucune marge de sécurité si la situation économique évolue moins bien que prévu", a pointé la Commission dont le rappel à l'ordre tombe mal pour le gouvernement, alors que la majorité est en mauvaise posture aux élections régionales.
"Ce sont des prévisions volontaristes, les prévisions de croissance sont par nature volontaristes", a rétorqué le ministre du Budget, Eric Woerth.
"Ce n'est pas en professant le pessimisme qu'on sort de la crise", a-t-il fait valoir. "2,5%, c'est la traduction d'une véritable sortie de crise et aussi le fait qu'on pourra bénéficier pendant cette sortie de crise d'un surcroît de croissance".
Le seul autre scénario avancé par la France dans son programme s'appuie sur une croissance à peine moins importante, 2,25% par an. Une hypothèse qui la ferait déjà dérailler de sa trajectoire, repoussant à 2014 le retour du déficit dans les clous européens.
Mais la plupart des économistes et des institutions internationales ne sont pas aussi optimistes. Le Fonds monétaire international (FMI) s'attend à une croissance de 1,7% en France l'an prochain. La Commission européenne tablait en novembre sur 1,5%.
"Vu les informations dont on dispose aujourd'hui, les prévisions françaises paraissent difficilement réalisables", avance Olivier Bizimana, économiste au Crédit agricole, qui voit se dessiner "une reprise molle".
"La France n'a pas engrangé une croissance de 2,5% depuis dix ans", fait de son côté remarquer Olivier Gasnier, économiste à la Société Générale.
Or, "puisque tous les pays européens ont annoncé des politiques budgétaires plus restrictives, cela va forcément brider leur potentiel de croissance", estime-t-il.
Selon lui, les objectifs affichés par les pays européens dans leurs programmes de stabilité visaient essentiellement "à rassurer les marchés", particulièrement échaudés par la crise grecque.
"La Commission demande cette année plus de détails sur les plans des pays en raison d'un retour du risque sur la dette des Etats", plombés par des déficits abyssaux en raison de la crise, renchérit Olivier Bizimana.
Bruxelles a ainsi reproché à la France que "certaines mesures annoncées du côté des dépenses" ne soient "pas précisées".
En réponse à cette critique, Eric Woerth a indiqué à l'AFP qu'il présenterait "d'ici l'été" un programme "extrêmement précis" sur la maîtrise de la dépense publique.
"En France, une véritable réforme des retraites serait sans doute perçue comme un signal fort", estime Laurence Boone, économiste chez Barclays Capital.
Mais "est-ce que l'opinion est préparée à une période d'ajustement des finances publiques assez sévère ?", souligne-t-elle.
Si la croissance s'avère moins forte que prévu, les mesures de restriction budgétaires seront beaucoup plus difficiles à prendre, avertit aussi Olivier Bizimana.