La présidente argentine Cristina Kirchner a entamé un bras de fer avec le directeur de la Banque centrale, Martin Redrado, dont elle a demandé en vain mercredi la démission car il tardait à fournir à l'exécutif 6,5 milliards de dollars de réserves pour payer la dette en 2010.
Cette situation inédite pourrait avoir de lourdes conséquences pour le paiement des 13 milliards de dollars (9 milliards d'euros) de dette qui arrivent à échéance cette année et le statut de la Banque centrale, qui est autonome.
"A la demande de la présidente Cristina Kirchner, le chef du gouvernement (Anibal Fernandez) a demandé au responsable de la Banque centrale de démissionner", a annoncé la présidence sur son site internet.
"M. Redrado ne démissionnera pas", a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'institution. "Il a demandé qu'on applique l'article 9 de la Charte constitutive de la Banque", a-t-il ajouté.
Selon cet article, le président de la Banque centrale ne peut être démis que sur décision d'une commission du Congrès.
Or, le parti péroniste au pouvoir a perdu la majorité dans les deux chambres aux législatives de juin.
M. Redrado voulait évaluer toutes les conséquences, y compris juridiques, pour la banque du décret présidentiel ordonnant le recours aux réserves.
Mais pour le gouvernement, son départ est entériné.
"M. Redrado ayant proposé à plusieurs reprises à la présidente, publiquement, de démissionner", "la présidente a (maintenant) décidé de l'accepter", a déclaré le chef du gouvernement.
En fait, M. Redrado, nommé en 2004 sous la présidence de Nestor Kirchner (2003-2007), époux de la présidente actuelle, dépend du Sénat et non du pouvoir exécutif. En outre, son mandat n'expire qu'en septembre.
La Cour suprême a par ailleurs demandé à Mme Kirchner de lui remettre sous dix jours un rapport justifiant sa décision concernant les 6,5 milliards de dollars de réserves.
Les réserves de la Banque centrale s'élèvent à environ 48 milliards de dollars.
En annonçant l'utilisation de 6,5 milliards de dollars de réserves pour régler la moitié de la dette arrivant à échéance en 2010, le gouvernement souhaitait rassurer les marchés sur sa capacité à faire face à ces paiements.
L'effet obtenu pourrait être l'inverse de celui recherché.
"Ce qui s'est passé illustre les risques auxquels continuent de faire face les investisseurs en Argentine et le fait que le retour annoncé aux marchés internationaux risque de ne pas se faire sans soubresauts", a estimé à Londres Neil Shearing, analyste chez Capital Economics.
Le prédecesseur de M. Redrado, Alfonso Prat Gay (2002-2004) a, lui, jugé que la Banque centrale "n'avait pas à recevoir des instructions du pouvoir exécutif".
Plusieurs centaines de ses employés ont manifesté mercredi devant son siège et distribué des tracts sur lesquels on pouvait lire: "Redrado ne s'en ira pas".
Le gouvernement pourrait être contraint de trouver d'autres sources de financement. Emprunter sur le marché international est pour l'Argentine très cher car une partie de sa dette est en défaut depuis décembre 2001.
Buenos Aires a été exclu des marchés des capitaux après avoir décidé, en pleine déconfiture économique, d'interrompre le paiement de la dette.
Vouloir puiser dans les réserves d'une institution autonome n'est pas dénué de risques. Des créanciers privés, qui ont refusé l'accord de renégociation de la dette de juin 2005 ("holdouts"), pourraient être tentés de saisir les réserves de la Banque centrale si elles étaient destinées à payer la dette.