Les présidents des commissions des Finances de l'Assemblée et du Sénat, le socialiste Didier Migaud et le centriste Jean Arthuis, jugent sévèrement le projet de budget 2010 et promettent un "âpre" débat parlementaire en octobre, après sa présentation en conseil des ministres mercredi.
"La discussion va être âpre", prévient Jean Arthuis dans un entretien à l'AFP. Recevant jeudi des journalistes, Didier Migaud a assuré que les socialistes allaient "attaquer (le gouvernement) sur l'irresponsabilité de sa politique économique, budgétaire, fiscale".
Première cible, un déficit public "sans précédent", crise oblige. Il est évalué à "110 milliards d'euros" dans le projet de loi de finances, auquel il faut ajouter "au moins 30 milliards" de déficit de la protection sociale, ce qui selon M. Arthuis, donnera un total de "140 à 150 mds d'euros".
Pour les deux parlementaires, il faut y ajouter le grand emprunt annoncé par Nicolas Sarkozy, soit "100 milliards" selon M. Migaud, qui sera intégré dans une loi de finances rectificative en janvier.
Le socialiste ironise sur ces "députés UMP qui pensent que l'emprunt, ce sont des recettes".
M. Arthuis relativise la baisse de la charge de la dette à court terme de l'Etat "à 40 mds en 2009 contre 44 mds en 2008". Il y avoit une "opportunité conjoncturelle" qui permet à l'Etat d'emprunter "à des taux historiquement bas".
"Il y a quand même un moment où il va falloir arrêter de laisser filer le déficit", affirme-t-il.
En ce qui concerne l'hyppothèse de croissance, 0,75% en 2010, Didier Migaud l'estime "crédible".
"Il y a une reprise, mais sans conséquence sur l'emploi et le pouvoir d'achat. Les Français ne vont pas avoir le sentiment d'une sortie de crise", nuance-t-il.
Jean Arthuis "redoute dans les prochains mois des épreuves majeures pour nombre de PME".
Quant aux deux principales innovations du budget 2010, la réforme de la taxe professionnelle (TP) et la taxe carbone, elles divisent les deux élus.
Le député PS de l'Isère est partisan d'une taxe carbone mais "électricité comprise". Il souhaite que le PS ne multiplie pas les amendements sur ce point, laissant ce travail à l'UMP.
Le sénateur centriste de la Mayenne craint que cette taxe "soit une pluie de nouvelles niches fiscales et d'une complexité redoutable".
La réforme de la TP, en revanche, est pour lui "un début de réponse à la priorité des priorités, la compétitivité". Il reste cependant "perplexe" sur son remplacement par une cotisation sur la valeur ajoutée évoquant "un risque de délocalisation".
Cette réforme "aurait dû être ciblée sur les entreprises industrielles", estime M. Migaud.
Sur l'imposition des indemnités des accidentés du travail, proposée chaque année par les sénateurs centristes, M. Arthuis souhaite "gommer les régimes particuliers".
"On ne propose pas d'augmenter les impôts. On dit qu'il ne faut pas les baisser de façon non-ciblée", juge en revanche M. Migaud, condamnant à l'unisson de son groupe cette proposition de l'UMP Jean-François Copé. Proposition dont François Fillon a affirmé "comprendre l'esprit" tout en ajoutant que sur ce point, "le gouvernement examinera avec le Parlement toutes les options".
"Ce budget est le miroir de ce qu'on vient de vivre, c'est-à-dire des réformes sans cesse ajournées, des niches fiscales multipliées qui plombent les recettes fiscales", conclut M. Arthuis. De son côté, Didier Migaud ne pense pas que le gouvernement reposera la question du plafonnement des niches fiscales d'ici 2012.