Avec son rejet sans appel de l'offre d'Altice (AMS:ATCE), maison-mère de Numericable-SFR, Bouygues (PARIS:BOUY) a réaffirmé sa confiance dans la stratégie industrielle de sa filiale Bouygues Telecom, appelée à poursuivre seule alors qu'elle paraissait pour beaucoup être l'opérateur le plus fragile du secteur.
A l'issue de son conseil d'administration mardi, Bouygues n'avait pas hésité à rappeler qu'il considérait que sa filiale disposait "d'un avantage concurrentiel fort et durable grâce à son portefeuille de fréquences et à son réseau 4G reconnu comme l'un des meilleurs du marché".
Si Sylvain Chevallier, associé du cabinet Bearing Point et spécialiste des télécoms, y voit avant tout les éléments d'"une bonne stratégie de communication", il reconnaît qu'il "est certain qu'ils ont de l'avance sur la 4G, avec une bonne qualité de réseau".
"Ils ont un portefeuille de fréquences substantiel, proche de ceux d'Orange et Numericable-SFR, et ils ont su profiter de l'autorisation qui leur a été donnée de déployer la 4G sur les fréquences de 1.800 MHz pour désormais avoir le réseau le plus étendu de France, avec Orange", abonde pour sa part Yves Garrot, directeur général de l'Idate.
Car en obtenant en 2013 de l'Arcep, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'autorisation de réutiliser la bande 1.800 MHz pour d'autres technologies que le GSM, pour laquelle elle avait été prévue initialement, Bouygues Telecom a pu prendre de vitesse ses concurrents en offrant une couverture nationale plus rapidement.
S'il dispose d'un capital d'actifs important, le groupe a également évolué, souligne M. Garrot, qui rappelle que "suite à l'échec du rachat de SFR, ils ont mené une restructuration qui leur permet aujourd'hui d'être plus profilés et plus performants".
Face à ses difficultés, l'opérateur avait décidé de réduire l'éventail de ses offres à la clientèle, les ramenant de 50 à 14, mais il avait également lancé un plan de réduction des effectifs qui avait amené au départ de plus de 1.400 employés.
- Un opérateur qui reste fragile -
Pour autant, les observateurs du secteur ne partagent pas l'optimisme de Bouygues quant à l'avenir de sa filiale.
"Quand on regarde le fait que le marché va vers le très haut débit en fixe, Bouygues Telecom reste à la traîne, même s'ils font du déploiement de fibre optique. Il leur faudrait investir très massivement pour rester compétitifs sur le fixe, ils n'en ont peut-être pas la capacité aujourd'hui", analyse M. Chevallier.
D'autant que la situation financière de l'opérateur reste difficile, avec une perte nette au premier trimestre de 49 millions d'euros et il "n'est pas en situation de revenir dans le vert pour l'heure, le retour à la rentabilité est attendu pour plus tard par la direction", rappelle ainsi Yves Garrot.
Bouygues Telecom avait en effet annoncé, en novembre dernier, vouloir redevenir compétitif en 2016, grâce aux réorganisations menées et alors qu'il réussit à voir sa base de clients progresser.
Si, pour l'ensemble des analystes, il ne fait aucun doute que le marché reviendra tôt ou tard à trois opérateurs, rien ne dit que Bouygues Telecom sera pour autant la cible d'une nouvelle offre.
"Sont-ils plus dans une situation de faiblesse aujourd'hui? C'est possible, ils ont plus un profil de proie que de prédateur", juge ainsi Sylvain Chevallier.
"S'il n'y a pas d'erreur dans le raisonnement de la direction de Bouygues, il est probable que demain leur valorisation sera plus élevée, ce ne sera peut-être plus la cible privilégiée", nuance pour sa part Yves Garrot. "L'avenir est ouvert".