Le suspense reste entier dans la course à la succession d'Anne Lauvergeon à la tête d'Areva et la mobilisation en sa faveur s'intensifie jusque sur le terrain politique, devant la volonté prêtée à Nicolas Sarkozy de ne pas reconduire la patronne du groupe nucléaire public.
A l'approche de l'échéance fin juin du deuxième mandat d'"Atomic" Anne, le chantier du renouvellement de la présidence du directoire d'Areva, lancé en août 2010, s'est accéléré cette semaine.
Le quotidien La Tribune a affirmé jeudi que le président de la République avait décidé de ne pas reconduire la seule patronne du CAC 40, avec laquelle il entretient des relations notoirement mauvaises, et qu'à la date de mercredi, "le choix était arrêté sur Luc Oursel", directeur général délégué d’Areva.
De fait, M. Oursel semblait jusqu'à jeudi bien placé pour succéder à sa patronne, prenant l'avantage sur d'autres candidats figurant sur la liste soumise à Nicolas Sarkozy dans le cadre du processus de nomination, tels qu'Hervé Guillou ou Marwan Lahoud, tous deux cadres dirigeants d'EADS.
La candidature de M. Oursel, ingénieur des Mines déjà bien ancré au sein d'Areva, était perçue comme un moyen d'écarter Anne Lauvergeon sans heurter les salariés, inquiets à la perspective qu'un +outsider+ prenne la tête du groupe dans le contexte difficile de l'après-Fukushima.
Pour autant, l'hypothèse de sa nomination imminente a fait monter au créneau jeudi tous les soutiens d'Anne Lauvergeon, des salariés à la direction, en passant par une vingtaine de députés de tous bords.
"Anne Lauvergeon est la seule personnalité de l'entreprise disposant des compétences et qualités requises pour conduire Areva dans les années à venir", a écrit le comité exécutif du groupe, dans une lettre signée par tous ses membres... à l'exception du tandem Lauvergeon-Oursel.
La patronne d'Areva peut aussi se prévaloir de l'appui du comité de groupe européen, composé d'élus du personnel, qui a encensé une "femme visionnaire", "intransigeante sur la sécurité et la sûreté", ayant su "ouvrir Areva vers l'extérieur comme personne d'autre avant elle".
Pour Gérard Melet, élu CGT au conseil de surveillance, la "balance penche" du côté de Mme Lauvergeon qui, argumente-t-il, est convaincue de la nécessité de préserver le "modèle intégré" du groupe (né de la fusion de Framatome et de la Cogema en 2001) et de le maintenir "dans la sphère publique".
"Si c'est pour nommer quelqu'un d'interne au groupe, autant garder Mme Lauvergeon. On préfère l'original à la copie", résume de son côté une source proche de la direction.
Parallèlement, vingt députés de tous bords (UMP, PS, PCF, NC) ont réclamé dans une tribune jeudi que l'ancienne sherpa de François Mitterrand, qui a elle-même fait campagne activement en vue d'un troisième mandat, soit "reconduite dans ses fonctions".
"Se priver d'Anne Lauvergeon serait faire courir un risque important à Areva", a déclaré le député filloniste Jean-Paul Anciaux (UMP) à l'AFP.
Pour ces parlementaires, "Areva applique un seul concept à toutes ses démarches : sûreté, sécurité et transparence" et "Anne Lauvergeon a toujours refusé de transiger sur ces sujets. C'est sa marque de fabrique".
Le candidat à la primaire socialiste François Hollande a pour sa part jugé qu'écarter la patronne d'Areva "serait un symbole fâcheux", étant donné que "la France ne compte pas de femmes reconnues à l'échelle mondiale pour leurs capacités et leur talent" autres, selon lui, qu'Anne Lauvergeon.