La famille Hermès et LVMH se sont livrés publiquement lundi à une série de passes d'armes sous les applaudissements, et parfois les huées, lors de la première assemblée générale des actionnaires du sellier depuis l'irruption du numéro un mondial du luxe à son capital.
Au "message de paix" que venait apporter le vice-président de LVMH Pierre Godé pour que "cessent les querelles stériles", Bertrand Puech, président du conseil de gérance d'Hermès, lui a simplement rétorqué qu'il jugerait aux actes. "Laissez-nous vivre !", a-t-il lancé.
Pour le reste, les deux adversaires ont campé sur leurs positions, allant droit au but à chaque fois.
"J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, la famille Hermès tient à garder le contrôle de son groupe, ce joyau qui fait tant rêver", a lancé non sans ironie M. Puech, quelques minutes après l'ouverture de l'assemblée générale de la maison du 24 faubourg Saint-Honoré.
Tout en assurant respecter ses actionnaires, il a déclaré avoir été "choqué" depuis six mois "par toute une série d'initiatives hostiles" lancées contre la maison, "visant à l'affaiblir, la déstabiliser ou pire la décrédibiliser".
"Quelles tentatives ?" lui a répondu un peu plus tard le vice-président du groupe LVMH Pierre Godé, qui avait assisté silencieux à la charge de M. Puech.
LVMH, qui détient désormais 20,21% du capital du sellier, "n'a jamais cherché à déstabiliser la famille, le personnel, les fournisseurs de Hermès", a assuré M. Godé, en réponse aux critiques émises le matin même dans la presse par M. Puech. Et de mettre "au défi quiconque d'apporter un commencement de preuve".
Interrogé en marge de l'assemblée, M. Puech a alors affirmé qu'il n'attaquait pas LVMH car il n'a "aucune connaissance d'une action" menée par ce groupe. "Mais il y a une concomitance qui nous trouble. Depuis six mois, nous connaissons plus de mises en causes" que depuis la création de la maison de luxe, il y a 174 ans, a-t-il relevé.
Et de citer les actions menées sur le terrain judiciaire par une association d'actionnaires minoritaires ou l'évocation par la presse de dissensions supposées au sein de la famille.
Le ton est encore monté d'un cran lorsqu'un actionnaire dans la salle a traité les dirigeants de LVMH de "fourbes et d'hypocrites", désireux de prendre à tout prix le contrôle du sellier.
"Je ne peux pas admettre des propos diffamatoires disant que LVMH est dirigé par des gens fourbes et hypocrites", s'est emporté M. Godé, en notant que son groupe a voté toutes les résolutions présentées lors de l'AG.
Depuis l'irruption dans son capital en octobre de LVMH, des tensions entre les héritiers de Thierry Hermès --qui redoutent une action de sape du milliardaire Bernard Arnault-- et LVMH se sont cristallisées.
M. Godé a redit que LVMH n'avait pas l'intention de "prendre le contrôle d'Hermès et qu'il n'avait aucun intérêt à ce que Hermès soit déstabilisée par qui que ce soit".
Il a réaffirmé que son groupe était prêt à des échanges "d'expérience" ou des mises en commun de moyens" -- cela "bien entendu à condition que les dirigeants d'Hermès le souhaitent".
Ce que M. Puech a soigneusement rejeté après l'assemblée générale. "Pour quoi faire? Hermès dispose d'une trésorerie confortable", a-t-il dit à des journalistes.
Les deux adversaires n'en ont pas fini d'en découdre, à commencer le 15 septembre à l'occasion d'une décision très attendue de la Cour d'appel de Paris sur la validité du rempart élaboré par la famille Hermès pour empêcher toute mainmise de LVMH. Sans parler de l'enquête du gendarme de la Bourse sur les conditions de l'entrée fracassante de LVMH au capital.