L'arrivée de la concurrence pour les particuliers n'a pas bouleversé le marché français de l'énergie, qui reste largement dominé par les mastodontes GDF Suez et EDF, les consommateurs semblant perdus dans la nouvelle jungle réglementaire.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) l'avait promis: au 1er juillet, le nombre de foyers ayant opté pour un concurrent d'EDF devrait avoir dépassé le million.
Le chiffre est symbolique, mais il ne représente toujours que 3,4% des clients domestiques français.
Sur le marché du gaz, le paysage est similaire. Fin mars, le nombre de consommateurs passés chez des concurrents de GDF Suez représentait moins de 5% du total.
Deux ans après, la concurrence n'a donc toujours pas convaincu les particuliers, en grande partie par manque d'information.
Six Français sur 10 ne savent ainsi toujours pas qu'ils ont le droit de changer de fournisseur de gaz ou d'électricité, selon un sondage réalisé fin 2008 pour la CRE.
Et, avec l'ouverture à la concurrence, le législateur a élaboré une réglementation particulièrement complexe, qui a laissé plus d'un client perplexe.
"Le système demeure complètement incompréhensible pour une majorité de Français", souligne Thierry Saniez, président de l'association de consommateurs CLCV.
Ainsi, l'agent qui vient relever un compteur électrique chez un particulier est toujours salarié par une filiale d'EDF. Mais il travaille aussi pour les concurrents de l'électricien public (Poweo, Direct Energie, etc.) et il lui est légalement interdit de conseiller un fournisseur d'électricité à un usager.
En outre, GDF Suez et EDF sont les seuls opérateurs à pouvoir proposer des tarifs réglementés (fixés par l'Etat) respectivement sur le marché du gaz et de l'électricité.
Mais quand EDF vend du gaz ou GDF Suez de l'électricité, ils sont alors considérés comme des "fournisseurs alternatifs", au même titre que Direct Energie ou Poweo, et ne peuvent proposer que des offres à "prix de marché", non régulé.
"Sur le terrain, cette distinction est incompréhensible et a rendu possible des démarchages agressifs et des abus de faiblesse", estime M. Saniez.
Très méfiantes, les associations de consommateurs conseillent ainsi à leurs adhérents... de ne surtout rien changer.
"On leur recommande de rester aux tarifs réglementés car sinon il y a un risque de hausse des prix", explique Caroline Keller, de l'UFC Que Choisir.
"Pour l'instant, la concurrence n'a rien apporté aux consommateurs", assure-t-elle.
Les syndicats du secteur ne font pas preuve de plus d'enthousiasme.
"Chez les salariés, la concurrence a cassé pas mal de repères", estime Philippe Pesteil, administrateur CFDT chez EDF.
"Des gens qui travaillaient ensemble chez EDF-GDF Services ne peuvent plus se parler comme avant. Ils ne sont plus dans la même maison", indique-t-il.
Le mouvement social en cours dans les centrales nucléaires n'est d'ailleurs pas complètement étranger à l'arrivée de la concurrence, estiment des syndicalistes.
Tout est-il donc bon à jeter dans la concurrence? "La concurrence permet au consommateur d'avoir le choix et c'est déjà très important", avance Charles Beigbeder, président de Poweo.
"Même si on a deux acteurs ultra-dominants, le fait qu'ils soient en concurrence les oblige quand même à changer de comportement et à adopter un nouveau rapport aux clients", ajoute Stéphane Miallot, directeur des services du Médiateur de l'énergie.
Le Médiateur lancera à l'automne un comparateur d'offres énergétiques dans le cadre d'une vaste campagne d'information. Une initiative qui donnera peut-être un second souffle à l'ouverture des marchés.