Le Japon, qui absorbe 80% des thons rouges pêchés en Méditerranée, a réclamé vendredi, lors d'une réunion des pays pêcheurs à Paris, des contrôles plus sévères pour enrayer la pêche illégale et le marché noir de cette espèce dont les stocks ont chuté de façon vertigineuse.
Tokyo insiste sur la traçabilité de chaque thon rouge arrivant sur ce marché très lucratif compte tenu de l'engouement nippon pour la chair raffinée de ce poisson, très recherché pour les suhsis et sashimis, dont le prix peut atteindre plus de 100.000 euros aux enchères.
Les ONG environnementales ont salué ces annonces, mais ont cependant appelé les dirigeants de l'archipel à passer de la parole aux actes.
La délégation japonaise, dirigée par Masanori Miyahara, à la réunion de la Commission pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) a proposé d'interdire dès 2011 la pêche aux flottes qui ne présenteraient pas de plan spécifique de prévention de la fraude.
"Avant que la pêche ne commence, chaque pays devrait apporter la preuve de sa capacité à respecter les règles et présenter un plan spécifique en ce sens pour la saison de pêche 2011", a suggéré M. Miyahara.Si les plans présentés s'avéraient insuffisants et n'étaient pas approuvés par le comité de contrôle de la CICTA, alors "le pays en question ne devrait pas pouvoir pêcher en 2011", a-t-il ajouté.
Il a précisé que son pays avait refusé cette année, en une seule livraison, plus de 3.000 tonnes de thon rouge venant de la Méditerranée, car ils ne présentaient pas les documents légaux nécessaires.
Les 48 membres de la CICTA, réunis jusqu'au 27 novembre à Paris, doivent fixer les quotas de pêche pour 2011 mais aussi réviser les systèmes de contrôles mis en place il y a deux ans et qui souffrent toujours de graves lacunes, selon Greenpeace et le WWF.
Pour Sue Liebermann, responsable de l'ONG américaine PEW, les Japonais doivent prendre leur responsabilité en termes de contrôle s'ils veulent "ne pas être tenus pour responsables de l'effondrement de l'espèce", dont les stocks ont chuté de 85% en 30 ans.
"Ce que propose le Japon est une très bonne chose, mais ils faut qu'ils passent aux actes, il y a beaucoup à faire", a-t-elle déclaré à l'AFP.
En écho, Charles Braine, spécialiste pêche au sein du WWF-France, a invité à examiner la nouvelle position de fermeté de Tokyo avec prudence. "On sait qu'ils ont dans leurs congélateurs à Tokyo pour deux ou trois ans de consommation japonaise de thon rouge", a-t-il souligné, jugeant que les Japonais cherchaient d'abord à modifier une image peu flatteuse dans les négociations.
Tokyo, a-t-il aussi rappelé, s'était opposé en mars dernier à l'interdiction du commerce du thon rouge au titre d'espèce en voie de disparition lors de la réunion CITES à Doha.
Les Etats-Unis, autre acteur majeur du dossier thon rouge, ont souligné "la grande responsabilité du Japon et le rôle très important de ce pays", selon Jane Lubchenco qui négocie au nom de Washington à la réunion CICTA.
Interrogée par l'AFP, Mme Luchenco s'est prononcée en faveur d'une réduction des quotas alloués pour 2011 à l'ensemble des pays pêcheurs.
L'Union euroépenne préconise un maintien ou une réduction "partielle" des quotas. Les 27, très divisés sur cette question, se sont mis d'accord pour négocier des quotas situés entre 13.500 tonnes (niveau actuel) et 11.500 tonnes, selon des sources diplomatiques.
Pour le chef de la délégation de l'UE, Pierre Amilhat, la situation est claire: il y a actuellement "trop de bateaux et pas assez de poissons".
"Les décisions que nous devons prendre pevuvent s'avérer difficiles pour les pêcheurs mais ils comprendront que ces décisions à court terme serviront leurs interêts à long terme", a-t-il prévenu.