Louer des voitures à ceux qui ne veulent plus en acheter: les constructeurs automobiles s'intéressent de près à l'autopartage, un système d'autos en libre-service en plein essor.
Quand Heiko Teich sort de l'université, il saute dans un train. Arrivé à Ulm (sud de l'Allemagne), plutôt que le bus, il emprunte une petite Smart, conduit 10 minutes puis l'abandonne en bas de chez lui.
"C'est plus rapide et moins cher", environ deux euros, explique ce jeune homme de 20 ans. Heiko règle directement la facture auprès de Daimler, le constructeur allemand inventeur de la Smart, qui a lancé son propre service.
Né dans les années 1980 en Suisse et en Allemagne, le carsharing a depuis essaimé, d'Amsterdam à Chicago en passant par Paris, géré par des sociétés spécialisés, des loueurs de voitures ou des opérateurs ferroviaires, comme la Deutsche Bahn.
Alléché par cet essor, Daimler a mis depuis deux ans 200 voitures à la disposition des habitants d'Ulm.
Son offre "Car2go" est présente dans le centre-ville d'Austin, au Texas, et doit être déployée "dans les cinq prochaines années à plusieurs dizaines de villes européennes et américaines", explique Jérôme Guillen, à l'origine du projet chez Daimler.
Il vise "les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas acheter de voiture". Chez les constructeurs automobiles, ce mode de transport "est clairement un thème d'avenir", confirme Stefan Bratzel, spécialiste à l'institut de recherche automobile de l'université allemande FHDW.
Avec les bouchons, les difficultés du stationnement en ville et le coût d'entretien d'une auto, des particuliers renoncent à leur voiture pour investir dans des "services de mobilité" -- autopartage ou transports en commun.
Même en Allemagne, patrie de Mercedes, BMW et Porsche, le culte de la voiture particulière s'érode.
Près du tiers des Allemands préfère désormais partir en vacances ou déménager plutôt que de se serrer la ceinture pour une voiture, selon un sondage du centre de recherche de M. Bratzel.
Résultat, le marché de l'autopartage devrait atteindre 10 millions d'abonnés en 2016, estime le cabinet Frost and Sullivan dans une étude récente.
Chez la plupart des constructeurs, l'autopartage n'a cependant pas dépassé le stade de la réflexion, et ils doivent composer avec les acteurs déjà présents, "parfois mieux armés", souligne M. Bratzel.
Le français Peugeot a lancé une offre, baptisée Mu, mais qui s'apparente à une location classique.
Les constructeurs automobiles ont toutefois "l'avantage de pouvoir adapter eux-mêmes (leurs) véhicules", avec des systèmes pour consulter à distance la jauge d'essence, contrôler la fermeture des vitres ou localiser les véhicules, fait valoir M. Guillen.
Son système est l'un des plus poussés, puisque les abonnés peuvent louer à toute heure et sans formalité une Smart, où qu'elle soit garée, grâce à une puce agrafée sur leur permis de conduire.
Le constructeur de grosses cylindrées Mercedes-Benz peut ainsi rajeunir et reverdir son image. Une seule voiture en autopartage permet de transporter plusieurs personnes par jour, et ne dort pas au garage comme un véhicule particulier lorsque son propriétaire ne se déplace pas.
Le groupe allemand y gagne aussi en faisant connaître et essayer son mini-modèle Smart, dont les ventes sont à la peine.
Certains pointent toutefois le risque pour les constructeurs que l'autopartage ne phagocyte leur coeur de métier, les ventes de voitures.
"A mesure que les véhicules en autopartage remplacent les véhicules (particuliers), une baisse supplémentaire des ventes de voitures neuves est à attendre", notent ainsi les analystes de Frost and Sullivan.