Trois des principales maisons de courtage chinoises ont annoncé être visées par des enquêtes des autorités de régulation, provoquant vendredi un plongeon des marchés, alors que s'intensifie l'offensive de Pékin contre le secteur financier cinq mois après une débâcle spectaculaire des Bourses locales.
Après Citic Securities jeudi, Guosen et Haitong vendredi: en l'espace de 24 heures, dans des communiqués distincts mais en des termes quasi-identiques, les trois firmes ont expliqué faire l'objet d'enquêtes de la part de la Commission de régulation des marchés financiers (CSRC).
Celle-ci les soupçonne d'"infractions réglementaires" dont le contenu n'est pas détaillé. Les entreprises ont toutes assuré qu'elles "collaboraient activement aux investigations" et que leurs opérations "se poursuivaient normalement".
Géant du courtage et numéro un du secteur en Chine en termes d'actifs, Citic Securities avait déjà été épinglé en septembre avec l'ouverture d'enquêtes sur plusieurs hauts responsables, dont son directeur général Cheng Boming, soupçonnés de délits d'initiés.
Guosen Securities, 8e courtier du pays, était aussi une cible attendue: son président Chen Hongqiao avait été retrouvé pendu le mois dernier à son domicile, peu après s'être vu interdire de quitter le pays.
Et Haitong est la deuxième plus grosse maison de courtage chinoise.
L'annonce d'enquêtes formelles contre ces trois acteurs majeurs des marchés financiers a fait l'effet d'un coup de tonnerre.
Sous le choc, les Bourses chinoises ont dégringolé de concert vendredi: Shanghai a plongé de 5,48% et Shenzhen de quelque 6%. Dans leur sillage, Hong Kong a cédé près de 2%.
"L'annonce des enquêtes a aussitôt provoqué des ventes d'actions en rafale. Car cela augure de problèmes extrêmement sérieux pour ces firmes", indiquait à l'AFP Chen Xingyu, analyste chez Phillip Securities.
Massacré, le titre de Citic Securities s'est effondré de 10% vendredi à Shanghai, tout comme celui de Guosen à Shenzhen --soit la baisse quotidienne maximale autorisée.
Et beaucoup redoutaient de voir d'autres courtiers plongés dans la tourmente.
- Intransigeance -
En début de semaine, l'entité hongkongaise d'une autre grande maison de trading chinoise, Guotai Junan Securities, avait déjà agité les esprits en reconnaissant avoir perdu le contact avec son président, disparu depuis une semaine. Dans la foulée, son titre avait dévissé lundi de 12% à Hong Kong.
Les enquêtes de la CSRC s'inscrivent dans le cadre d'une vaste offensive des autorités contre le secteur financier à la suite du spectaculaire effondrement des Bourses chinoises cet été.
La place de Shanghai, après s'être envolée de 150% en un an, avait dégringolé d'environ 40% en trois semaines à partir de mi-juin, dans un climat de panique générale.
Impuissantes à stabiliser les marchés, les interventions forcenées et maladroites de l'Etat --via des achats massifs d'actions-- avaient été vivement critiquées.
Sous pression, Pékin avait alors promis de combattre les "ventes à découvert malfaisantes", manipulations de prix et délits d'initiés, tout en interdisant aux gros actionnaires de céder leurs participations.
La police avait lancé tous azimuts des enquêtes très médiatisées sur des transactions supposément illégales.
L'autorité anticorruption --la puissante Commission d'inspection disciplinaire du Parti communiste-- avait elle aussi averti fin octobre qu'elle étendrait ses investigations aux régulateurs, opérateurs boursiers et maisons de courtage.
Nul ne semble épargné: Yao Gang, vice-président de la CSRC, a lui même été placé sous enquête pour des faits supposés de corruption.
La récente arrestation pour délits d'initié d'un emblématique gérant de fonds spéculatif, surnommé le "Warren Buffett" chinois, a également attiré l'attention.
Alors que la place de Shanghai paraissait se ressaisir --elle s'affichait en hausse d'environ 25% depuis fin août--, pourquoi ce nouvel accès d'intransigeance?
La recherche initiale de coupables du krach boursier s'est transformée en authentique volonté d'assainissement du secteur, selon Paul Gillis, professeur à la Peking University.
"Une importante étape dans la réforme des marchés de capitaux (que Pékin veut ouvrir plus largement), c'est de s'assurer que de puissants +insiders+ n'ont pas les mains occupées à manipuler les plateaux de la balance", et que les marchés "ne soient pas faussés", soulignait-il, cité par Bloomberg News.