La construction de logements neufs en France a légèrement rebondi au cours des derniers mois, par rapport aux niveaux très faibles de l'année précédente, mais les facteurs d'une réelle reprise du secteur sont toujours absents.
"La chute est en train de se terminer. Mais l'ensemble de la construction risque encore de patiner quelque temps", avertit Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université de Paris-X, et spécialiste du secteur.
Entre mars et mai 2013, les mises en chantier de nouveaux logements en France ont progressé de 6,6% par rapport à la même période de l'année précédente, selon les chiffres publiés mardi par le ministère du Logement.
Entre février et avril, les mises en chantier avaient enregistré un repli de 1,1% à 75.381 unités. Cette fois, elles atteignent en cumul 76.759.
Ce rebond s'explique principalement par une base de comparaison plus favorable, puisqu'en 2012, les mises en chantier, seulement en léger repli au mois de mars (-3,8%), s'étaient ensuite effondrées en avril (-26,3%) et en mai (-28,8%).
Sur douze mois, entre juin 2012 et mai 2013, le nombre de chantiers de logements neufs débutés reste en nette baisse, de 14,1% à 300.084. La chute ralentit cependant, puisqu'entre mai 2012 et avril 2013, elle était de 16,9%, à 297.438 unités.
Selon M. Mouillart, l'année 2013 devrait s'achever avec "environ 320.000 mises en chantier", en recul de 7,5%.
Pas d'amélioration de tendance en revanche, du côté des permis de construire accordés pour des logements neufs.
Entre mars et mai, leur nombre a reculé de 4,8% sur un an, à 97.752, alors qu'entre février et avril, il était en progression de 3,9% à 105.881.
Un repli que l'on peut en partie expliquer par le calendrier, puisque le mois de mai était cette année riche en ponts et en jours fériés, ce qui a pu freiner l'enregistrement des permis par les services administratifs, souligne M. Mouillart. Sur le seul mois de mai, les permis de construire ont ainsi plongé de 22,1% par rapport à l'année précédente.
"En train de piquer du nez"
Sur douze mois, les permis de construire octroyés accentuent leur chute, avec un repli de 7,9% sur la période allant de juin 2012 à mai 2013, à 425.426 unités, contre une baisse de 6,6% à 433.339 il y a un mois.
Cette détérioration est imputable au secteur du logement collectif, "en train de piquer du nez", analyse M. Mouillart, avec un recul de 12,1% en rythme annuel, lié tant à la faiblesse de l'activité des promoteurs privés qu'à la chute des agréments de logements sociaux. Le logement individuel "semble aller mieux", avec une baisse limitée à 2,1%.
Globalement, ce rythme de baisse d'environ 7% devrait se prolonger jusqu'à la fin de l'année, avec 460.000 permis accordés en 2013, estime le spécialiste de l'immobilier, contre 496.000 en 2012, et près de 535.000 en 2011.
Quand on sait que 15% à 20% des permis accordés ne se concrétiseront jamais en chantiers de construction, on voit que "les 500.000 ne sont pas à notre portée", souligne M. Mouillart, en référence à l'objectif de construire 500.000 logements neufs par an, fixé par le président de la République François Hollande, et jugé nécessaire pour répondre à la pénurie de logements dans les régions les plus dynamiques économiquement (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Paca).
D'autant que les mesures entreprises pour relancer la construction -- loi habilitant le gouvernement à recourir à des ordonnances, adoptée au Parlement le 19 juin, projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, qui sera présenté en Conseil des ministres mercredi -- ne porteront pas leurs fruits avant "l'automne 2014 ou début 2015", juge l'économiste.
"C'est une machine à redémarrage très lent. Dans la construction locative sociale, entre une décision positive et son impact sur le niveau de construction, il peut s'écouler trois à quatre ans", remarque M. Mouillart.
Une stagnation d'autant plus préjudiciable que plus cette situation se prolongera, "plus les rythmes de destruction d'emplois seront grands et plus le rythme de redémarrage sera faible", avertit-il.