Le Conseil constitutionnel a adressé vendredi une fin de non-recevoir aux industriels intéressés par les gaz et pétrole de schiste en France et soulagé le gouvernement en confirmant l'interdiction de la fracturation hydraulique en vigueur depuis 2011, rendant la loi "incontestable" selon François Hollande.
"Avec cette décision, l'interdiction de la fracturation hydraulique est générale et absolue. (...) La loi du 13 juillet (2011) est désormais juridiquement inattaquable", a salué le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin.
La porte est plus que jamais "fermée à double tour" pour les industriels, a estimé en écho l'eurodéputé écologiste José Bové, figure de proue des anti-gaz de schiste, alors que Europe Ecologie-Les Verts s'est félicité de la "sagesse" de cette décision.
Le gaz de schiste, à l'origine d'une révolution énergétique aux Etats-Unis où il est exploité à grande échelle, alimente depuis près de trois ans un débat électrique entre défenseurs de l'environnement et industriels, qui mettent en exergue les réserves potentielles qu'abriterait le sous-sol français.
Le Parlement avait tranché en 2011 en votant une loi interdisant la fracturation hydraulique, seule technique rodée à disposition des industriels pour aller chercher ces hydrocarbures. Les permis de recherche nécessitant le recours à cette technique avaient été abrogés.
La fracturation hydraulique, qui consiste à créer des fissures dans les roches riches en hydrocarbures en injectant à haute pression un mélange d'eau, de sable et d'adjuvants chimiques, est décriée en raison de son impact environnemental et des risques de pollution et d'activité sismique.
La société texane Schuepbach, à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) examinée au Conseil constitutionnel, contestait deux articles de cette loi qui a entraîné l'abrogation de ses deux permis de recherches de Nant (Aveyron) et de Villeneuve-de-Berg (Ardèche).
Le Conseil constitutionnel lui a répondu que les dispositions contestées étaient "conformes à la Constitution".
Réforme du code minier
Les "sages" ont ainsi écarté les deux motifs principaux avancés par la société, à savoir une application "trop rigoureuse" du principe de précaution et une possible rupture du "principe d'égalité", la fracturation hydraulique etant interdite pour l'activité pétrolière mais pas pour la géothermie.
Le Conseil constitutionnel estime que la fracturation hydraulique utilisée en géothermie "ne présente pas les mêmes risques pour l’environnement".
Cette décision évite au gouvernement de rouvrir un dossier ultra-sensible, source de tensions récurrentes avec ses alliés verts mais aussi entre ministres. En juillet, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait ainsi recadré le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui avait plaidé pour une exploitation "écologique" du gaz de schiste.
Le Front de gauche a salué une "énorme défaite pour les multinationales".
L'avocat de Schuepbach a néanmoins rappelé vendredi qu'une procédure était toujours en cours devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (région parisienne).
Le secteur pétrolier n'entend pas non plus clore le dossier, en plaidant pour que la commission chargée d'étudier la possibilité d'une expérimentation sur le gaz de schiste, prévue par cette même loi, commence ses travaux.
"La loi est validée, appliquons la loi, toute la loi, y compris cette commission", a déclaré à l'AFP Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip).
Cette commission, censée se réunir "au moins deux fois par an", a été officiellement créée en mars 2012 mais le gouvernement a refusé jusqu'ici de nommer les 12 des 22 membres qu'il est censé désigner.
Tout en saluant une loi "maintenant incontestable", le président François Hollande a d'ailleurs rappelé que "cette loi prévoit uniquement l'interdiction du gaz de schiste par fracturation hydraulique, elle n'empêche pas la recherche dans d'autres domaines".
France Nature Environnement a appelé de son côté à une réforme rapide du code minier, promise par le gouvernement, "pour avoir une code minier du 21e siècle, capable de réguler ce genre de situation".
Greenpeace a plaidé pour une interdiction globale du gaz de schiste, une énergie fossile, au nom des "engagements" de la France contre le réchauffement climatique. Une ambition climatique également défendue par EELV, qui attend des "actes législatifs forts dans les prochains mois" en faveur des énergies renouvelables.