La justice a prononcé lundi la liquidation de l'équipementier automobile Heuliez tout en lui accordant un mois de poursuite d'activité afin de permettre à une société d'économie mixte (SEM), pilotée par la région Poitou-Charentes, de reprendre l'outil industriel et relancer l'activité.
L'emboutisseur, qui incarne un pan de l'histoire industrielle de cette région avec près d'un siècle d'activité et encore environ 3.000 ouvriers au milieu des années 2000, cessera d'exister en tant que Heuliez SAS, a décidé dans son jugement le tribunal de commerce de Niort.
Cette décision survient six mois après le placement d'Heuliez en redressement judiciaire. Elle arrive aussi après des années de difficultés. Le premier dépôt de bilan de l'équipementier remontait à 2007.
Le jugement laisse toutefois du temps à la mise en place d'une SEM où la région Poitou-Charentes sera majoritaire (85%) après avoir injecté 650.000 euros. Elle sera chargée de reprendre ses machines et de relancer l'activité.
"La région a décidé de ne pas laisser détruire un outil industriel, une usine, des machines, des brevets, du savoir-faire des ouvriers et des ingénieurs", a déclaré à la presse la présidente de région, Ségolène Royal. Elle a déclaré ne pas vouloir assister "à ce qu'on voit ailleurs, c'est à dire une vente aux enchères des usines, une dispersion avec des vautours qui viennent vendre des outils de travail pour faire des profits sur le dos des ouvriers".
"Je ne veux pas que cette usine disparaisse", a-t-elle ajouté. "Nous avons sans doute du potentiel de commande" et la région va faire "en sorte que les actuels clients gardent confiance en attendant de nouvelles commandes ou des réorientations de cette industrie vers d'autres filières plus prometteuses".
Une quinzaine des quelque 280 employés d'Heuliez y seront salariés, dans l'espoir toutefois que des contrats ultérieurs permettent de ré-embaucher d'autres anciens salariés qui, devant la liquidation s'annonçant inéluctable, avaient déjà négocié un plan social.
Le plan de sauvegarde de l'emploi signé jeudi par le propriétaire Baelen Gaillard Industrie (BGI), l'administrateur, le liquidateur et les représentants des salariés prévoit une prime supra légale de 10.000 euros par salarié et des aides au reclassement d'un montant de près de 500.000 euros.
"La fin d'une histoire mais pas la fin de tout"
"C'est un gâchis total !", a déclaré Claude Point (CFDT). "Si on compte tout ce qui va être dépensé pour les licenciements, (...) Avec cet argent on aurait pu relancer l'entreprise", a-t-il dit. "C'est la fin d'une histoire mais pas la fin de tout si à travers la SEM un redémarrage s'opère rapidement. Sans les aides de la région nous ne serions plus là."
"Les statuts de la société seront approuvés le 18 octobre après un tour de table avec des investisseurs privés", a précisé le vice-président du Conseil régional, Jean-François Macaire. "On voudrait qu'au plus vite elle recède l'actif à un entrepreneur qui pourrait être Cosmos XXI (un groupe espagnol, ndlr), qui attend des commandes d'un grand groupe européen", a-t-il affirmé.
La SEM a pour but d'éviter à Heuliez de passer à côté d'une opportunité qui pourrait se présenter d'ici quelques mois outre-Rhin. Le constructeur allemand Volkswagen l'a en effet pré-sélectionnée pour une importante commande de pièces détachées.
"Cette initiative est une première en France", a dit Mme Royal. "Les moyens publics de la région sont protégés par la propriété de l’outil de production qu'on refuse de vendre au plus offrant. Dans tous les cas de figure, le courage de la région se soldera par un bilan positif", a-t-elle dit. "Il n'y a que les combats qui ne sont pas menés qu'on est surs de perdre", a-t-elle déclaré.