Le favori des sondages de l'élection présidentielle française, François Hollande, a déjà réussi à faire bouger les lignes en Europe en mettant la croissance au premier plan, mais dans le détail il se borne à reprendre des propositions déjà sur la table de l'UE depuis des mois.
"Tout ça pour ça ?", s'est interrogé jeudi l'eurodéputé conservateur français Alain Lamassoure, président de la commission budgétaire du Parlement européen. "Faut-il vraiment ouvrir une crise de confiance majeure au coeur de l'Union européenne pour renégocier ce qui s'y fait déjà ?", a-t-il ajouté.
Le candidat socialiste a de fait suscité une certaine perplexité à Bruxelles en détaillant mercredi devant la presse à Paris ses quatre propositions visant à une "renégociation" du traité de discipline budgétaire.
Il fait de l'adoption d'une grande initiative de croissance complétant le traité une condition pour ratifier ce dernier.
En fait de renégociation, ses idées en l'état visent surtout à donner une nouvelle impulsion à des dossiers européens déjà en discussion, et dont l'impact réel sur l'activité reste sujet à débat. Pour l'heure, elles n'ambitionnent pas d'ouvrir de nouveaux chantiers ce qui devrait du coup limiter le potentiel de polémique avec les autres pays européens en cas de victoire au soir du 6 mai.
Tous ces points "font partie soit de notre stratégie soit de propositions que nous avons faites", a commenté jeudi la porte-parole de la Commission européenne, Pia Ahrenkilde.
Il en va ainsi de la proposition de François Hollande d'emprunts européens pour financer des grands travaux d'infrastructures, appelés "euro-obligations de projets". La Commission européenne a fait une proposition à ce sujet l'an dernier qui, selon l'exécutif européen, "progresse bien".
L'Allemagne toutefois reste prudente car ces emprunts pourraient être gagés sur des fonds non utilisés du budget de l'Union européenne. En cas d'élection, François Hollande pourrait donc chercher à peser sur la chancelière allemande Angela Merkel afin qu'elle lâche un peu de lest sur ce point.
La configuration est similaire pour une autre de ses propositions visant à augmenter la capacité de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), le bras financier de l'UE.
Là encore, cette piste est discutée par les pays européens depuis plusieurs mois mais bute encore sur les réticences de certains d'entre eux à mettre la main au portefeuille. Car cela supposerait d'abord que le capital de l'institution, souscrit par les Etats membres, soit accru.
Même chose pour l'utilisation des fonds structurels non utilisés de l'UE que M. Hollande a mentionnée. La Commission milite depuis des mois en ce sens, notamment pour aider à sortir la Grèce de la récession, et la France et l'Allemagne ont soutenu l'idée en début d'année. L'idée a néanmoins encore du mal à faire consensus parmi les Vingt-Sept car certaines capitales préféreraient, en période d'austérité, récupérer les crédits non employés.
Le favori des sondages en France parle enfin de créer une taxe sur les transactions financières, un vieux serpent de mer européen qui jusqu'ici se mord la queue.
Angela Merkel y est favorable et subit dans son pays la pression de l'opposition sociale-démocrate pour progresser sur ce front: le SPD en fait une condition pour ratifier le pacte budgétaire cher à la chancelière.
Mais du fait de l'opposition de plusieurs Etats dans l'UE - la Grande-Bretagne notamment qui craint un affaiblissement de la City de Londres - y compris au sein de la zone euro, le chantier s'avère très compliqué et des solutions alternatives ou intermédiaires sont déjà à l'étude.