Les députés italiens ont voté lundi soir la confiance au gouvernement dirigé par Enrico Letta qui a présenté plus tôt une ambitieuse feuille de route pour relancer la croissance en Italie, changer le cap européen, moraliser la politique.
Les députés ont voté à une large majorité, 453 "oui" alors que la majorité requise était de 303 voix, tandis que les sénateurs voteront mardi la confiance au gouvernement.
Au lendemain de sa prestation de serment, M. Letta a assuré dans son premier discours devant les députés qu'il souhaite des résultats "dans 18 mois" pour les réformes économiques, sociales et politiques qu'il va engager. "Si en revanche tout s'enlise, j'en tirerai les conséquences", a-t-il dit avec fermeté.
"Osons faire de grandes choses", a lancé ce chrétien-démocrate de gauche, en citant des propos récents du pape François, dans son intervention qui précédait un débat puis un vote de confiance attendu dans la soirée et qui ne devrait pas poser de problème.
Après deux mois de blocage politique, il a été choisi pour diriger le premier gouvernement d'union gauche-droite de l'après-guerre.
Soulignant vouloir user d'un "langage de vérité", M. Letta a estimé que "l'Italie se meurt par la faute de la seule austérité. Les politiques en faveur de la relance ne peuvent plus attendre".
Son discours était très attendu des marchés, inquiets de voir la troisième économie européenne s'enfoncer dans sa pire récession de l'après-guerre, et par les partenaires étrangers.
Tout en se disant "européen et européiste (favorable à une fédération européenne, ndlr)" et en annonçant des déplacements imminents à Berlin, Bruxelles et Paris, M. Letta a critiqué une Union européenne "en crise de légitimité au moment où les citoyens en ont le plus besoin". "L'Europe comme elle fonctionne actuellement a besoin de changements significatifs", selon lui.
L'Italie "respectera les engagements" pris mais elle voudrait une "marge de manoeuvre" plus ample pour relancer son économie.
La priorité de M. Letta qui, à 46 ans, est l'un des plus jeunes dirigeants européens, sera de s'attaquer "à la situation d'urgence" qui règne sur le marché italien du travail avec 12% de chômeurs (35% des jeunes) et au "cauchemar de l'appauvrissement".
Pour soulager la classe moyenne, M. Letta a décidé de mettre un terme au paiement prévu en juin de la deuxième quote-part annuelle de la taxe foncière (IMU) très impopulaire sur la résidence principale.
Les partisans de Silvio Berlusconi ont applaudi des deux mains. "C'est une douce musique à nos oreilles", a déclaré le numéro deux du gouvernement Angelino Alfano, bras droit du Cavaliere, qui avait promis pendant la campagne des législatives la suppression de l'IMU et même son remboursement.
Pour garantir davantage d'"équité", le gouvernement mènera une "lutte sans merci contre l'évasion fiscale tout en garantissant un fisc compréhensif qui ne donne pas des frissons aux citoyens", a assuré le nouveau Premier ministre en promettant aussi "moins de bureaucratie".
M. Letta a évoqué un revenu minimum pour "les familles démunies", l'extension des aides sociales aux travailleurs précaires, le développement de l'apprentissage, des aides aux PME et des investissements dans la recherche, l'innovation ainsi que le tourisme.
Autre front ouvert par le gouvernement Letta : la moralisation de la vie publique et la réduction des coûts de la politique, avec l'objectif évident de contrecarrer le Mouvement 5 Etoiles (M5S) anti-partis de l'ex-humoriste Beppe Grillo, qui a canalisé 25% des voix aux législatives.
"Pour donner l'exemple", M. Letta a annoncé sans en avoir préalablement averti ses collègues la suppression des émoluments des ministres pour ceux qui sont également parlementaires.
M. Letta a estimé que pour redonner de la crédibilité à la politique, "il fallait revenir à la geston d'un bon père de famille".
Le financement public des partis politiques sera également "révolutionné" et il faudra aller, selon lui, vers la "suppression définitive" des départements.
La formation du gouvernement Letta demeure sans effet immédiat sur la note souveraine de l'Italie (note à long terme BBB+), a annoncé lundi l'agence de notation Standard and Poor's car "il n'est pas encore clair si le gouvernement de coalition sera à même de mettre en oeuvre des réformes favorisant la croissance".
Les élections de février, qui se sont achevées sur une impasse avec la gauche majoritaire à la Chambre, mais pas au Sénat, et devant composer avec la droite et le M5S, seront "les dernières avec la loi électorale" actuelle, a en outre assuré M. Letta.
Les "palais de la République" avaient été placés sous bonne garde après les coups de feu tirés la veille sur des carabiniers devant le siège du gouvernement par un maçon dépressif au chômage qui avait perdu ses économies au jeu et voulait s'en prendre aux hommes politiques "qui volent et mangent la laine sur notre dos".