La Banque centrale européenne (BCE) a pris acte jeudi de la morosité économique ambiante et révisé ses perspectives de croissance pour la zone euro à la baisse, tout en laissant son principal taux directeur inchangé à 1,5%.
L'économie de la zone euro devrait croître "très modérément" au second semestre de l'année en cours, les risques sont "intensifiés" et le degré d'incertitude entourant les perspectives de l'économie mondiale est "énorme", a estimé son président Jean-Claude Trichet, lors de sa conférence de presse mensuelle sur les taux à Francfort (ouest).
Un constat qui a conduit l'institution monétaire à ne plus tabler pour 2011 que sur 1,6% de croissance, contre 1,9% lors de sa dernière prévision en juin, et sur 1,3% en 2012, contre 1,7%.
Dans la matinée, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'était montrée plus alarmiste encore, n'excluant pas une nouvelle récession dans les pays riches, dont la zone euro engluée dans sa crise de la dette. Même l'Allemagne, locomotive économique de la zone euro, ne serait pas épargnée, avec un recul de 0,35% du PIB au quatrième trimestre par rapport au troisième.
Pour Heinrich Bayer, de la Postbank, les pronostics de la BCE, qu'il juge par ailleurs "trop optimistes", signalent que le mouvement à la hausse des taux opéré depuis avril "est provisoirement gelé".
La BCE "a opéré un virage à 180 degrés aujourd'hui", commente Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg Bank, qui estime que la BCE va garder son taux directeur stable jusque mi-2012.
Si la situation venait encore à se détériorer, la BCE pourrait même bien devoir baisser ses taux, avant la fin de l'année, prédisent plusieurs économistes.
Pour surmonter la crise, M. Trichet considère toutefois que ce sont aux gouvernements de la zone euro de se retrousser les manches. Il les a une nouvelle fois exhortés à adopter et appliquer les "réformes structurelles" nécessaires, sur un ton parfois animé, assez inhabituel de sa part.
Face à une question sur les critiques notamment allemandes sur sa gestion de la crise, et en particulier son programme de rachat d'obligations publiques sur le marché secondaire, il s'est même emporté.
"Si nous nous sommes lancés dans le programme de rachat d'obligations, pour des raisons de politique monétaire, c'est parce que les gouvernements ne se sont pas bien comportés, parce qu'ils ne se sont pas surveillés" mutuellement comme ils auraient dû, a-t-il accusé.
"J'aimerais bien entendre des félicitations pour une institution qui a apporté pendant 13 ans la stabilité des prix à l'Allemagne, ce qui est mieux que ce que ce pays a connu pendant les 50 dernières années", a-t-il ajouté.
La BCE achète depuis l'an dernier des obligations de pays de la zone euro en difficulté sur le marché secondaire, une mesure à laquelle elle s'est résolue à contre-coeur pour porter secours aux pays les plus fragiles de la zone.
Elle attend toutefois que le Fonds européen de stabilité financière (FESF), dont les prérogatives ont été élargies le 21 juillet, la relaye le plus vite possible dans ce domaine, comme promis par les responsables politiques européens.
Mais la volonté affichée cette semaine de la Slovaquie de retarder le vote jusqu'à décembre commence à susciter des inquiétudes.
Autre sujet de trouble, le ministre néerlandais des Finances a affirmé jeudi que les pays qui n'arrivent ou ne souhaitent pas à l'avenir respecter les exigences du Pacte de stabilité devaient abandonner d'eux-mêmes la monnaie unique.
"Aucune sortie, ni expulsion de la zone euro n'est possible d'après le traité de Lisbonne. La participation à la zone euro est irrévocable", a répliqué la Commission européenne.