La Corée du Sud nourrit de grandes ambitions dans le nucléaire: elle veut devenir un acteur de poids dans ce secteur étroitement surveillé depuis l'accident de Fukushima, mais sa population s'inquiète après plusieurs scandales sur son marché intérieur.
La Corée du Sud renforce sa présence sur les marchés mondiaux, aux côtés de la France, des Etats-Unis et de la Russie. La moitié des 430 réacteurs fonctionnant dans le monde seront trop vieux d'ici 2030 selon l'Agence d'énergie atomique, une manne pour les constructeurs.
Après la vente de quatre réacteurs aux Emirats arabes unis en 2009, un contrat de 20 milliards de dollars US (15,3 milliards d'euros), Séoul a pour objectif d'en exporter 80 supplémentaires d'ici 2030, soit 400 milliards USD. Son produit vedette est l'ARP-1400.
Sur son marché intérieur, elle veut construire 16 réacteurs d'ici 2030. Le pays compte actuellement 23 réacteurs, qui répondent à plus de 35% de la demande électrique sud-coréenne.
"Nos réacteurs sont sûrs", martèle Lee Young-Il, directeur du complexe nucléaire de Gori, où a été construit le premier réacteur commercial en 1978.
"Nous avons aussi un historique excellent de gestion des réacteurs avec un taux de panne comparativement faible", ajoute-t-il en guidant les journalistes à travers le complexe.
L'accident nucléaire de Fukushima en mars 2011 au Japon a poussé les pays à reconsidérer leur politique énergétique et les populations réclament une plus grande sécurité.
En Corée, un rapport commandé par le ministère de l'Economie et publié en novembre dernier montrait que les habitants n'étaient plus que 35% à juger l'électricité nucléaire sûre, contre 71% en janvier 2010.
D'autant que 2012 a été ternie par une série de scandales en Corée du Sud, qui ont entraîné la fermeture de plusieurs réacteurs, inquiété la population et jeté une lumière crue sur le manque de transparence de cette industrie.
"Vous ne pouvez que vous inquiéter lorsque votre pays dépend fortement de l'énergie nucléaire", estime Yangyi Won-Young, qui dirige une coalition d'associations contre le nucléaire, Nuclear-Free Korea.
"Nos centrales sont vulnérables en cas de catastrophes naturelles en raison d'une réglementation laxiste, en vigueur dans la construction, la gestion et les pièces détachées", ajoute-t-il auprès de l'AFP.
Après Fukushima, la compagnie publique Korea Hydro and Nuclear Power Co (KHNP) a lancé un programme de modernisation d'un milliard USD, qui court jusqu'à 2015. Il prévoit la construction de murs plus élevés autour des quatre centrales pour les protéger de la mer en cas de tsunami, l'installation de portes étanches et de systèmes de ventilation sur tous les réacteurs, ainsi que de nouveaux sismographes.
Mais l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a averti Séoul en novembre qu'il lui fallait retrouver la confiance des Sud-Coréens.
Début 2012, les autorités de sûreté nucléaire du pays avaient révélé que les ingénieurs d'une centrale avaient caché une panne d'électricité sur le réacteur Gori-1, qui avait provoqué un arrêt de la circulation des eaux de refroidissement.
Le gouvernement a ensuite suspendu deux réacteurs sur le complexe de Yeonggwang, pour remplacer des composants accompagnés de faux certificats de qualité. Un troisième réacteur, sur le même site, a été arrêté après la découverte de fissures sur des tubes de guidage.
"Les incidents récents au sein des centrales nucléaires sud-coréennes sont un rappel opportun pour le gouvernement que l'autorité de réglementation nucléaire doit maintenir un profil solide (...) et être capable de prendre des décisions indépendantes", soulignait l'AIE.
Le manque de transparence, critique récurrente envers le nucléaire sud-coréen, s'explique notamment par la confusion des rôles, l'agence de régulation étant chargée à la fois de la sécurité et de la promotion du nucléaire.
Et la proposition de la nouvelle présidente, Park Geun-Hye, d'affilier la commission de sécurité nucléaire à un super ministère chargé de la recherche scientifique, risque de brouiller un peu plus la situation.
Les scientifiques, les défenseurs de l'environnement et même des responsables politiques du parti conservateur de la présidente estiment que placer la commission sous tutelle ministérielle affaiblira son indépendance et son autorité.
La Corée du Sud "sera le seul pays où les régulateurs et les promoteurs travailleront ensemble sous le même toit", souligne Suh Kune-Yull, professeur d'ingénierie nucléaire à l'université nationale de Séoul. "Un conflit d'intérêt est inévitable".