La Cour des comptes européenne est venue jeudi à la rescousse des producteurs laitiers en colère et a infligé un camouflet à Bruxelles en dénonçant la libéralisation de l'agriculture dans l'UE qui comporte des risques jugés "majeurs".
Dans un rapport, la Cour a jugé nécessaire de "continuer à superviser l'évolution du marché du lait et des produits laitiers pour éviter que la libéralisation du secteur ne conduise à la réapparition d'une situation de surproduction".
Cette libéralisation, qui aboutira en 2015 à la suppression des quotas de production introduits en 1984 pour limiter les volumes, présente des "facteurs majeurs" de risque, a averti lors d'une conférence de presse le juge Julius Molnar.
Il s'agit notamment de la volatilité des prix qui peut "recréer rapidement des excédents importants".
Et "l'accélération de la restructuration" du secteur présente le "risque d'une concentration géographique toujours accrue de la production et la disparition d'un très grand nombre de producteurs" dans les zones rurales défavorisées, a-t-il estimé.
"A défaut, l'objectif de la Commission (européenne) de s'en tenir à un niveau de régulation minimal, du type filet de sécurité, pourrait rapidement s'avérer impossible à respecter", met en garde la Cour.
Elle critique ainsi de manière à peine voilée les réformes européennes du marché du lait menées sous l'impulsion de Bruxelles.
Celles-ci prévoient, outre la suppression des quotas pour libéraliser le secteur en le faisant dépendre de la loi de l'offre et de la demande, de restructurer le secteur en encourageant les reconversions d'agriculteurs.
Les quotas laitiers ont jusqu'ici "limité efficacement la production", note la Cour, même si leur niveau a été "trop élevé" pour empêcher les excédents.
Pour autant, "il serait inapproprié pour la Cour de dire que les quotas devraient être maintenus, même si c'était son point de vue", a souligné Edward Fennessy, expert agricole à la Cour.
Ces remarques vont dans le sens de la campagne menée depuis plusieurs mois par les producteurs de lait européens. Confrontés à un effondrement des prix, ils réclament un retour à la limitation administrative des quantités de lait produites pour y remédier.
La chute des tarifs, qui menace aujourd'hui l'existence de nombreuses exploitations, est dû en effet selon eux à une surproduction, imputable à la dérégulation progressive du secteur.
"Ce rapport est une contribution au débat, mais nous n'en partageons pas toutes les conclusions", a rétorqué le porte parole de la commissaire à l'Agriculture, Mariann Fischer Boel.
A ses yeux, il n'y a pas surproduction mais simplement une baisse conjoncturelle de la demande de produits laitiers liée à la crise économique. Et elle refuse de maintenir mes quotas, qui en attendant leur disparition à terme, sont augmentés d'année en année.
La publication de ce rapport vient jeter de l'huile juste avant une réunion lundi à Luxembourg des ministres de l'Agriculture européens où doivent être décidées des mesures d'urgence en faveur du secteur.
Les Européens sont divisés. La présidence suédoise de l'UE, le Danemark ou la Grande-Bretagne, pays traditionnellement libéraux, plaident pour la stricte poursuite de la dérégulation du secteur.
Face à eux, la France et l'Allemagne sont parvenus à constituer un front de 21 pays qui réclament la mise en place d'un "cadre régulatoire". Ils réclament aussi une aide supplémentaire de 300 millions d'euros en faveur des producteurs en 2010.
Ces derniers maintiennent pendant ce temps la pression. Ils promettent d'être "plusieurs milliers" à Luxembourg.