La France a obtenu de haute lutte le poste de commissaire européen au Marché intérieur et aux services financiers, une fonction cruciale après la récente crise, mais son titulaire, Michel Barnier, sera très encadré afin de rassurer la Grande-Bretagne.
Le président de la Commission José Manuel Barroso, qui attribuait vendredi leurs portefeuilles aux membres de la nouvelle équipe qu'il va diriger à partir de février 2010, a innové.
Pour la première fois, un Français, le conservateur Michel Barnier, a obtenu le poste du Marché intérieur, un domaine où il devra faciliter la libre circulation des biens et services dans l'UE.
La France n'avait guère fait mystère depuis plusieurs mois de son ambition de décrocher ce poste clé, occupé jusqu'ici par un Irlandais très libéral, Charlie McCreevy.
Mais M. Barroso a longtemps hésité à confier les services financiers à M. Barnier en raison des réticences de la Grande-Bretagne et de la City de Londres, qui perçoivent la France comme étatiste et régulatrice.
Après une intervention du président français Nicolas Sarkozy jeudi, il a finalement accepté la demande française, selon une source diplomatique.
M. Barroso a cependant posé des limites vendredi à M. Barnier en lui confiant une tâche "très claire": "approfondir le marché intérieur dans toutes ses dimensions", y compris dans les services financiers, pour lesquels "nous n'avons pas encore" de marché unifié.
Une manière de dire que M. Barnier devra poursuivre la libéralisation du marché européen. Et dans le même temps de rassurer les pays libéraux que la promotion d'un Français aux services financiers inquiète.
Interrogé sur les réticences britanniques, M. Barnier a promis vendredi à Paris d'"écouter et de travailler avec tout le monde". "Je n'ai pas besoin qu'on me convainque de l'importance de la place financière de Londres", a-t-il dit.
Le président Nicolas Sarkozy a fait d'une plus grande régulation du secteur financier une priorité après la récente crise mondiale. Et la France n'a cessé de critiquer l'immobilisme face à la crise financière de Charlie McCreevy, partisan pendant longtemps du laissez-faire.
Les Britanniques, qui abritent le premier centre financier européen, sont traditionnellement favorables à une intervention minimale pour réguler le marché. Depuis le début de la crise, plusieurs dossiers européens ont illustré leurs divergences avec les Français.
C'est le cas concernant la régulation plus stricte des fonds spéculatifs en cours de discussion à Bruxelles, sur laquelle Paris est en pointe tandis que Londres freine.
Le tableau est identique pour le renforcement de la supervision du secteur financier en Europe, un sujet sur lequel les pays de l'UE débattent depuis plusieurs mois sans réussir à se mettre d'accord, en raison essentiellement de l'opposition britannique.
Face à ces divergences récurrentes, et afin de rassurer les Britanniques, M. Barroso a décidé d'entourer M. Barnier.
Il aura au sein de ses services un Britannique à un poste administratif clé de la Commission, celui de directeur général du Marché intérieur.
Une décision vivement critiquée par les Verts européens. "C'est une provocation de la part de Barroso" d'avoir "affublé" M. Barnier "d'un contrôleur", a déclaré leur coprésident, Daniel Cohn-Bendit.
M. Barnier pourrait aussi nommer un Britannique au sein de son cabinet.
Enfin, son terrain d'action devrait être balisé par un rapport que M. Barroso a commandé dès le mois dernier sur l'avenir du marché intérieur à Mario Monti, ancien commissaire européen réputé pour son inflexibilité dans l'application des règles européennes.