Le Parlement suisse a enterré définitivement mercredi une loi d'urgence exigée par les Américains pour régler un conflit fiscal concernant les banques suisses ayant accepté des fonds non-déclarés de riches Américains.
Ce "non" parlementaire met les banques suisses en position très délicate, car elles se "retrouvent dans une situation aux conséquences imprévisibles pour la place financière et aussi pour l'économie suisse toute entière", a indiqué dans un communiqué l'Association suisse des banquiers.
Les banques suisses craignent en effet à présent que les Etats-Unis n'entament des procédures judiciaires contre celles qui ont accepté des fonds américains non-déclarés, ce qui pourrait signifier une condamnation à mort pour elles.
La loi d'urgence, refusée mercredi, avait pour but de mettre entre parenthèse pendant un an le droit suisse, pour permettre aux banques incriminées par les Etats-Unis, de donner les noms de leurs collaborateurs ayant eu affaire avec des clients américains fraudeurs du fisc, ne respectant plus ainsi le secret bancaire.
Les députés ont jugé que ces exigences américaines étaient inacceptables.
D'après le Parti socialiste suisse, ce refus relève de "la raison d'Etat, car une loi ne peut pas être adoptée d'urgence pour appliquer un programme unilatéral décidé par un autre Etat" et le député Christoph Blocher (UDC droite populiste) a même jugé que si d'autres pays suivaient l'exemple américain, ce serait "la fin de la Suisse".
Pour sa part, la ministre des Finances, Mme Eveline Widmer-Schlumpf, qui a défendu jusqu'au bout cette Lex USA, comme on l'appelle en Suisse, a indiqué qu'il fallait donner aux banques la possibilité d'accepter l'offre américaine pour tirer un trait sur le passé.
"Si cette Lex USA est refusée, nous explorerons toutes les possibilités pour trouver des solutions, mais dans le cadre du droit suisse, avec toutes les difficultés que cela implique et certaines parties du programme américain ne pourront pas être appliquées", a-t-elle averti.
Dès l'annonce de l'échec de la Lex USA, le responsable suisse de la protection des données, M. Hanspeter Thür, a indiqué vouloir s'opposer à la transmission illégale de données sur les employés aux Etats-Unis.
Le haut-fonctionnaire veut notamment que les banques informent leur personnel sur la nature des données transmises de même que sur la période qu'elles couvrent. Chacun doit pouvoir en outre contester le transfert devant un tribunal.
Certaines banques ont déjà livré en 2012 des milliers de données à la justice américaine, après avoir eu le feu vert du gouvernement suisse.
La Lex USA était une loi sans précédent dans le droit international.
Concrètement, Washington a imposé à Berne il y a un mois un "programme unilatéral", à prendre ou à laisser, pour régler la question des banques suisses ayant aidé les contribuables américains à frauder.
Le contenu de ce programme a été gardé complètement secret, à la demande des Américains.
Le gouvernement suisse, qui a donné son aval, a simplement indiqué que ce programme devait obligatoirement entrer en vigueur le 1er juillet 2013, à la demande des Américains. A partir de cette date, s'ouvrait un délai de 12 mois pendant lequel les banques suisses, dans le collimateur de la justice américaine, auraient pu coopérer pour espérer une réduction des peines et des sanctions, dont l'ampleur et le montant sont inconnus.
Le conflit entre Washington et les banques suisses est né il y a plusieurs années, lorsque des banques helvètes ont continué à accepter des capitaux américains non-déclarés, en dépit de l'affaire UBS en 2009, année au cours de laquelle la grande banque suisse a été condamnée à une amende record aux Etats-Unis pour aide à l'évasion fiscale.
De nombreux clients américains ont alors quitté l'UBS et ont cherché refuge auprès d'autres banques suisses, qui les ont accueillis sans sourciller.
Des négociations ont eu lieu pendant près de trois ans entre Berne et Washington pour tenter de mettre fin à ces pratiques, mais sans succès.
Lassé par les atermoiements de Berne, Washington a décidé de transférer les dossiers d'une quinzaine de banques suisses, visées par le fisc américain, à la justice.
Puis, Washington a préparé son programme unilatéral, qui a fait l'effet d'une mini-bombe en Suisse, où les milieux politiques et bancaires ne s'attendaient pas à une telle réaction.