Les sites Rio Tinto Alcan (RTA) de Saint-Jean-de-Maurienne et Castelsarrasin vont passer dans le giron du producteur d'aluminium allemand Trimet, en vertu d'un accord conclu samedi après quatre mois de négociations qui associe également EDF et doit sauver 510 emplois en Savoie et dans le Tarn-et-Garonne.
Cette reprise marque un succès pour le gouvernement et le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, très investi dans le dossier.
Elle a été scellée à Saint-Jean-de Maurienne par les présidents des trois groupes, Heinz-Peter Schlüter (Trimet), Jacynthe Côté (RTA) et Henri Proglio (EDF), en présence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, de M. Montebourg et de Thierry Repentin, son collègue des Affaires européennes, ancien élu de Savoie.
"Après avoir échoué dans l’acier, on réussit dans l’aluminium", s'est enthousiasmé Arnaud Montebourg, applaudi par les salariés, en soulignant le contraste avec la difficile gestion du dossier des hauts fourneaux d'ArcelorMittal à l'automne dernier.
"Il s'agit d'un succès parce que nous avons une stratégie industrielle (...) Le volontarisme, ça marche et le sauvetage d'entreprises viables ça marche", a-t-il poursuivi.
"Vous avez déplacé des planètes", lui a répondu avec lyrisme Jacynthe Côté, affirmant n'avoir "jamais vu en 25 ans dans l'aluminium autant de persévérance et de détermination".
Deux jours après l'avoir recadré sur les gaz de schiste, le Premier ministre s'est fendu d'un hommage à "l’action déterminée menée par le ministre du Redressement productif depuis plusieurs mois" qui "a permis le succès" de l'opération.
"Il fallait un industriel comme Trimet pour que les choses marchent. Nous avons réussi. Il n’y a pas d’avenir pour la France sans industrie", a également déclaré M. Ayrault.
Forcing de Montebourg
L'accord a été finalisé dans la nuit de vendredi à samedi, peu avant 02H00 du matin, ont indiqué à l'AFP des sources proches du dossier.
Il prévoit que Trimet, groupe familial allemand qui emploie 1.900 personnes, détiendra 65% du capital de la nouvelle société, et EDF les 35% restants.
Les deux partenaires "ont invité la Banque publique d'investissement (BPI) à participer au projet", a indiqué Bercy.
Selon des sources proches du dossier, celle-ci pourrait prendre au final 5% du capital, pris sur la part de Trimet.
200 millions d'euros investis sur six ans
"Trimet s'est également engagé à pérenniser les sites et à accroître leur production", ont-elles précisé.
La nouvelle société a prévu d'investir "plus de 200 millions d'euros sur six ans" et son projet industriel "sera accompagné dans le temps par l'Etat, notamment avec la Banque publique d'investissement", ont affirmé les services d'Arnaud Montebourg et Thierry Repentin.
Trimet négociait depuis mars avec RTA et le gouvernement la reprise des deux sites de Saint-Jean-de-Maurienne et Castelsarrasin.
L'usine d'aluminium savoyarde, fondée en 1907, emploie 470 personnes et représente quelque 2.000 emplois indirects.
Celle de Castelsarrasin compte une quarantaine de salariés.
Les pourparlers s'étaient intensifiés au cours des derniers jours et Arnaud Montebourg s'était dit vendredi matin "extrêmement confiant" dans leur issue.
Tout au long des négociations, le ministre avait émis son souhait de voir naître un "Péchiney franco-allemand" avec la reprise des deux usines par Trimet. Il s'était même rendu en Allemagne à la mi-mai pour juger sur pièces les capacités du repreneur potentiel.
Trimet, société fondée en 1987, a bâti son succès sur le recyclage de l'aluminium.
Son patron, M. Schlüter, a commencé sa carrière en travaillant pour un distributeur allemand de Péchiney, l'ex-fleuron de l'aluminium français, propriétaire des deux sites, avant leur rachat par le groupe canadien Alcan en 2003 et son absorption par Rio Tinto en 2007.
La reprise de Saint-Jean-de-Maurienne et de Castelsarrasin constitue ses premières acquisitions d'usines de production à l'étranger et vont lui permettre de compléter sa gamme avec le fil aluminium produit sur les sites français.
Trimet a réalisé un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros sur l'exercice 2011-12. Il produit 500.000 tonnes d'aluminium par année et augmenterait ses capacités de 100.000 tonnes en reprenant le site savoyard.