Les déboires budgétaires de la zone euro ont entraîné l'or vers de nouveaux sommets historiques mercredi, les investisseurs sceptiques sur le plan d'aide européen se tournant vers le plus ancien et le plus sûr des placements.
Après avoir enfoncé la veille un record historique datant de décembre dernier (à 1.226,56 dollars), l'or s'est engagé mercredi dans des territoires inexplorés, poussant jusqu'à 1.245,07 dollars l'once sur le marché au comptant de Londres.
La flambée du métal jaune est une conséquence directe de la crise de la dette européenne. Les marchés continuent à douter de la capacité de la zone euro à sortir de la tourmente, malgré le méga-plan de soutien de 750 milliards d'euros décidé le week-end dernier par les responsables européens.
Anxieux, investisseurs professionnels et particuliers se tournent vers le seul placement ne présentant aucun risque de contrepartie.
"Les gens achètent de l'or parce qu'ils ne font pas confiance aux autres placements (...). Ils veulent un abri sûr et avéré pour leur fortune et choisissent de plus en plus l'or, (valeur) rare, indestructible et non-endettée", explique Mahmood Bilal, directeur des études chez BullionVault.com, une jeune société de courtage d'or.
La valeur d'une action ou d'une obligation d'Etat peut être réduite à néant si leur émetteur fait faillite. La mémoire collective se souvient encore des emprunts russes, le placement préféré des petits porteurs français au tournant du XXe siècle, dont la valeur est partie en fumée à la révolution bolchevique. Un tel scénario catastrophe ne peut se produire pour l'or, qui n'est adossé à aucun émetteur.
Les grands bénéficiaires de cet engouement sont, sans surprise, les fonds cotés ETFs, des véhicules financiers très prisés pour leur simplicité d'utilisation. Le fonds américain SPRD Gold Trust, le plus gros d'entre eux, a vu cette semaine sa cagnotte atteindre 1.192,15 tonnes, un niveau équivalent aux réserves de la banque centrale suisse.
Paradoxalement, l'ascension du métal jaune s'est produite alors que le marché des devises lui est fortement défavorable: le dollar se situe actuellement à ses niveaux les plus forts depuis plus d'un an (mars 2009), alors que d'ordinaire sa vigueur décourage les achats d'or.
La flambée actuelle contraste ainsi avec celle de mars 2008 -- première incursion du métal à plus de 1.000 dollars l'once -- durant laquelle l'affaiblissement historique du dollar avait joué un rôle de premier plan.
Certains économistes jugent par conséquent que la hausse des cours ne durera pas et que l'appréciation du dollar ramènera l'or à des niveaux nettement inférieurs.
"Les mesures de restrictions budgétaires exigées en zone euro vont saper la reprise économique de la région, ce qui devrait maintenir le dollar fort et l'euro faible", écrit Julian Jessops, de Capital Economics.
"A moins que le gouvernement d'une économie importante ne fasse vraiment faillite, l'or devrait finir l'année sous les 1.000 dollars", prédit-il.
En attendant, les fortes incertitudes qui secouent la planète finance pourraient bien valoir de nouveaux trophées au métal jaune.
"Avec le regain d'incertitudes, la tourmente qui secoue les marchés d'obligations d'Etat, et les inquiétudes sur les monnaies, (la flambée) pourrait continuer jusqu'à de nouveaux seuils historiques (1.300 dollars l'once?)", pronostique ainsi Robin Bahr, de la banque Crédit Agricole CIB.
Les analystes d'Unicredit parient sans sourciller sur 1.450 dollars à la fin 2010.
"Tant que le scepticisme sur le plan européen restera synonyme d'achats d'or, l'ascension (du métal) jusqu'à 1.300 dollars l'once d'ici la fin du trimestre ne devrait pas rencontrer d'obstacle", semble conclure Ashraf Laidi, de CMC Markets.