Réserver le nom de "restaurant" aux seuls établissement qui cuisinent sur place: cette proposition d'un syndicat de la restauration pourrait apporter une clarification bienvenue aux clients, mais elle suscite une levée de boucliers dans le secteur.
Le Synhorcat souhaite que le consommateur puisse choisir son restaurant en connaissance de cause, entre ceux qui font le choix de la qualité et ceux qui font du simple réchauffage ou assaisonnement de produits industriels.
Il propose de limiter l'appellation "restaurant" aux seuls lieux où le repas est cuisiné sur place à partir majoritairement de produits bruts, ces derniers pouvant être congelés ou sous vide.
Un restaurant "ça veut dire qu'on a des cuisiniers qui élaborent des recettes et qui les font, face à ceux qui ont pris la décision de couper des sacs et de les réchauffer", indique à l'AFP Alain Fontaine, propriétaire du restaurant Le Mesturet à Paris, qui emploie 12 cuisiniers.
Cette initiative est soutenue par une proposition de loi, qui devrait être examinée en juin comme amendement au projet de loi sur la consommation.
Ses promoteurs veulent imiter le succès de l'appellation "boulangerie", réservée depuis 1995 aux établissements qui assurent sur place la fabrication du pain du pétrissage à la cuisson, pour les distinguer des grandes surfaces.
Mais six syndicats concurrents ont fait état jeudi de leur "opposition massive" à la création d'une appellation "restaurant" restrictive.
L'Umih, principale organisation du secteur, ainsi que les syndicats GNC, Snarr, SNRPO, SNRTC et CPIH, qui représentent également les fast-food, les chaînes d'hôtels, les cafétérias et les chaînes de restaurants, font valoir que "la vraie richesse de la restauration française" est sa "diversité".
L'Umih préférerait la création d'un statut d'artisan-restaurateur moins restrictif.
Aujourd'hui, 31% des restaurateurs disent utiliser des produits industriels dans leur cuisine, selon une enquête commandée par le Synhorcat.
Cependant, il s'agit de simples déclarations, et les professionnels s'accordent à dire que le phénomène est bien plus massif, d'autant plus que les groupes agroalimentaires ont développé une offre étoffée de plats préparés destinés aux restaurants.
Quête de transparence
L'appellation "restaurant" pourrait tirer vers le haut la qualité des établissements, affirme le Synhorcat, qui avance qu'elle pourrait créer potentiellement 27.000 emplois.
Les promoteurs de l'appellation envisagent des exceptions pour que les restaurateurs puissent continuer à utiliser, par exemple, de la charcuterie ou des glaces qui n'auraient pas été préparées sur place.
Mais, si la réglementation restrictive était mise en place, 10% des établissements pourraient être contraints d'abandonner la mention "restaurant", estime le Synhorcat, essentiellement des chaînes et des franchisés, d'où leurs réticences.
Le grand public semble pourtant être en quête de transparence. Faute d'informations claires disponibles, un couple de particuliers du Var a créé l'an dernier le site restaurantsquifontamanger.fr, qui recense les restaurants déclarant faire du "fait maison".
"On a des chefs de tous âges qui veulent qu'on les distingue de leurs voisins. Ils disent: +J'arrive à 7h du matin dans ma cuisine alors que les autres ont un camion de livraison qui arrive à 11h+", souligne l'un des créateurs du site, Alain Tortosa.
Et selon un sondage Opinionway d'avril, 96% des Français sont en faveur d'un statut garantissant que les plats sont cuisinés sur place.
Mais reste à voir s'ils accepteraient la hausse des prix, environ 7%, que pourrait entraîner l'appellation.
En attendant, le consommateur peut se fier aux étiquettes déjà existantes: l'Etat a créé le label "Maîtres restaurateurs" en 2007, qui récompense les plats préparés à 80% sur place, avec des produits frais, mais reste plus élitiste et peu connu.
Et une quinzaine de chefs, menés par Alain Ducasse, ont créé cette année l'appellation "restaurants de qualité". Cette initiative privée récompense les établissements approuvés par le Collège culinaire et qui doivent obtenir au minimum 75% de satisfaction des clients.