Le nouveau patron des patrons, Pierre Gattaz, a asséné une volée de bois vert au gouvernement en ouvrant mercredi, par une attaque en règle contre sa réforme des retraites et sa politique fiscale, l'université d'été du Medef.
"Tout le monde sait qu'on va devoir revenir sur cette réforme (des retraites) dans quelques mois", a fustigé d'emblée le successeur de Laurence Parisot, élu en juillet à la tête de la plus grande organisation patronale de France.
M. Gattaz, qui avait dénoncé dès mardi soir un projet "inacceptable", a estimé qu'il fallait encore combler un "déficit cumulé du système de retraites de 200 milliards en 2020."
Son discours a ouvert trois jours de débats et ateliers, auxquels six ministres sont attendus, sur le campus d'HEC à Jouy-en-Josas (Yvelines).
Des ministres à l'adresse desquels il a exposé des revendications offensives, notamment en matière de fiscalité.
"Supprimons l'ISF, supprimons la taxe à 75% sur les hauts revenus qui font tant de dégâts en France, en Europe et à l'international, pour notre image et pour l'attractivité de notre pays", a-t-il martelé.
M. Gattaz réclame par ailleurs un allègement de 100 milliards d'euros au total des charges pesant sur les entreprises, réparti à parts égales entre baisse des impôts et diminution des cotisations sociales.
"Monsieur le président de la République, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, si vous ne prenez pas les bonnes décisions, la France s'enlisera dans le marasme, verra ses jeunes et ses talents continuer de quitter le pays, ses entrepreneurs et ses forces vives se désespérer", a poursuivi le président du Medef.
"Medef exemplaire"
Dans un plaidoyer aux accents alarmistes, il a affiché sa crainte de voir la France "reléguée en deuxième, voire en troisième, division."
M. Gattaz a ensuite dit devant la presse avoir été "énormément choqué" par les annonces mardi de hausses de cotisations retraite contre une "simple compensation" en baisse du coût du travail. Selon lui, Jean-Marc Ayrault lui avait fait comprendre lundi "qu'il fallait aller plus loin sur le coût du travail" et "de manière concomitante" avec la réforme des retraites.
Il a affirmé attendre à présent "un engagement" du gouvernement. "Je ne veux pas que ce soit perçu comme un cadeau aux entreprises", a-t-il déclaré, "c'est l'économie qui est en jeu, c'est la France, c'est l'emploi".
Le président du Medef aura l'occasion de ferrailler jeudi avec le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici.
Les autres membres du gouvernement attendus sont Arnaud Montebourg (Redressement productif), Bernard Cazeneuve (Budget), Geneviève Fioraso (Enseignement supérieur et Recherche), Fleur Pellerin (PME, Innovation, Économie numérique) et Sylvia Pinel (Artisanat, Commerce, Tourisme).
Outre les politiques et les dirigeants d'entreprise, le Medef a convié un panel varié qui inclut des militaires mais aussi deux vieilles gloires du football, le Brésilien Raï et l'ancien gardien du PSG et des Bleus Bernard Lama, ainsi qu'un professeur en psychiatrie, spécialiste de la dépression, pour ausculter le légendaire pessimisme des Français.
Parmi les grands patrons figureront Christophe de Margerie (Total), Gérard Mestrallet (GDF Suez), Luc Oursel (Areva), et Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric). Les syndicats, eux, n'auront qu'une représentante: Carole Couvert, présidente de la CFE-CGC.
Pierre Gattaz ambitionne de faire de sa première université d'été le départ d'une reprise en main du destin économique du pays par l'entreprise avec le lancement d'un projet pour la France en 2020. Ce chantier a commencé à Jouy-en-Josas par un forum électronique de propositions et de discussions ouvert à "tous les Français", devant déboucher l'année prochaine sur un "projet structuré".
Un autre chantier lancé mercredi est une réflexion sur le fonctionnement interne de cette organisation revendiquant 750.000 adhérents.
"L'idée, c'est de refondre, de réfléchir aux rôles et missions du Medef national, des Medef territoriaux, et à la manière de financer tout ça (...) Si on demande à l’État des économies, le Medef doit être exemplaire", expliquait récemment M. Gattaz à des journalistes.