La chute libre des cours du pétrole, principale source de revenus de l'Etat russe avec le gaz, a entraîné mardi une dégringolade du rouble, faisant craindre une nouvelle dégradation de l'économie russe déjà promise à une lourde récession.
Le retour au calme de la fin d'année, après le mouvement de panique à l'origine de la pire crise monétaire du pays en 15 ans de pouvoir de Vladimir Poutine, semble oublié.
Le rouble a désormais perdu environ 16% depuis le début de l'année face au dollar, après une chute de 41% en 2014 subie en raison de la crise ukrainienne, à l'origine de sanctions économiques sans précédent contre Moscou, et de la chute sans fin des cours de l'or noir.
Vers 14H20 GMT, le dollar montait à 66,05 roubles contre 63,17 roubles lundi soir, soit une chute de 4,5%, et l'euro à 77,76 roubles contre 74,68 roubles.
L'indice boursier moscovite RTS (libellé en dollars) chutait lui de 3,09%.
Le rouble n'avait plus franchi le seuil de 66 dollars depuis le 17 décembre, au lendemain de ses records absolus enregistrés en plein mouvement de panique des marchés et de la population.
"La performance des cours du pétrole reste le principal sujet d'attention" des marchés russes, ont relevé les analystes de la banque russe VTB Capital.
Fin décembre, le ministre des Finances Anton Silouanov avait prévenu qu'avec un baril de pétrole à 60 dollars, l'économie russe pourrait subir une contraction de 4% de son produit intérieur brut en 2015 (après +0,6% estimé en 2014) et l'Etat enregistrer un déficit budgétaire de 3% du PIB après plusieurs années proche de l'équilibre.
Mais mardi, le baril de Brent plongeait à 45 dollars.
"Des premiers signes indiquent que le pays est en train de plonger en récession", ont ainsi relevé dès lundi les experts du cabinet londonien Capital Economics, qui prévoit une chute de plus de 5% du PIB cette année.
- Nouvelles hausses de prix -
Conséquence de la dépréciation de la monnaie nationale ainsi que de l'embargo décrété sur les produits alimentaires européens et américains, l'inflation dépasse déjà 11%.
Le mouvement semble se poursuivre vu la dégradation récente: Toyota a décidé d'augmenter de 20% le prix de ses automobiles, a rapporté mardi l'agence Ria-Novosti. Il touche aussi le numéro un local, Lada, qui a fait état mardi de hausses de 8% à 9% sur la plupart de ses modèles.
Les billets d'avions des compagnies étrangères ont quant à eux subi leur troisième hausse de plus de 10% depuis l'automne.
Pour les analystes de la banque russe Alfa, la dépréciation continue du rouble signifie que l'inflation devrait atteindre 15% en mars-avril, "ce qui rend improbable une baisse des taux de la banque centrale dans les mois à venir".
Pour défendre le rouble, la Banque de Russie a décidé une hausse radicale de son taux directeur mi-décembre, à 17% contre 5,5% début 2014. Mais un tel coût du crédit rend l'emprunt difficilement supportable pour les ménages et les entreprises et risque donc d'étrangler certains acteurs économiques et aggraver la récession attendue.
Pour soutenir la monnaie, la banque centrale a dépensé plus de 76 milliards de dollars et 5 milliards d'euros l'an dernier, soit plus d'un cinquième des réserves de la Russie qui se trouvent au plus bas depuis 2009, sous 400 milliards de dollars.
La dégradation de la situation économique et financière du pays fait craindre un prochain abaissement de la note de la dette de la Russie à un niveau correspondant à une catégorie qualifiée de "spéculative". Cela devrait exclure la dette russe du portefeuille de certaines institutions financières au risque d'accentuer les fuites de capitaux, déjà estimées à 120 milliards de dollars en 2014.