Des centaines de milliers d'Indonésiens, selon les syndicats, ont entamé jeudi une grève nationale afin de réclamer une hausse du salaire minimum, l'un des plus faibles au monde malgré une économie en pleine expansion.
"Augmentez nos salaires de 50%", pouvait-on lire sur des banderoles brandies par des milliers de travailleurs faisant le piquet de grève devant les ateliers de Bekasi, importante zone industrielle de la banlieue de Jakarta où sont regroupés nombre de sous-traitants de grandes marques internationales du textile et de l'électronique.
"La vie est très chère", lance Muhammed Muhklas, 26 ans, employé d'une firme pharmaceutique. "Nous devons payer notre logement, notre nourriture et deux millions de roupies par mois (130 euros, ndlr), ça n'est pas assez", estime-t-il en référence au salaire minimum en vigueur dans sa localité.
Sur l'ensemble du pays de 250 millions d'habitants, quatrième le plus peuplé au monde, deux millions d'employés ont cessé le travail, selon les syndicats, dont environ 700.000 dans la capitale Jakarta et à Bekasi.
Ces chiffres, que les syndicats ont coutume de largement exagérer, n'ont pas été confirmés de source indépendante. La police de Jakarta faisait état de seulement 60.000 grévistes dans la capitale et sa banlieue, et de quelques autres milliers ailleurs dans le pays.
"L'ensemble des usines des zones industrielles de l'île de Java ont cessé le travail", a affirmé à l'AFP Said Iqbal, président de la Confédération indonésienne des syndicats de travailleurs (KSPI).
Aucun incident majeur n'était à signaler, ont indiqué les forces de l'ordre, indiquant que 17.000 policiers ont été déployés dans la seule capitale et sa banlieue.
Les manifestants réclament une hausse substantielle du salaire minimum, un des plus faibles au monde, tandis que l'Indonésie, première économie d'Asie du Sud-Est, connaît depuis 2005 une croissance supérieure à 6% l'an.
Mais les entreprises estiment qu'une augmentation de salaires trop importante ferait fuir les investisseurs étrangers jusqu'à présent attirés par une main-d'oeuvre encore moins onéreuse qu'en Chine et qui fait de l'Indonésie un nouvel "atelier" du monde.
"Les entreprises étrangères se tournent de plus en plus vers d'autres pays de la région pour implanter leurs usines, comme le Vietnam, la Malaisie ou la Birmanie", a jugé Franky Sibarani, directeur adjoint de l'Association des employeurs indonésiens (Apindo, patronat), estimant qu'une hausse raisonnable devrait porter à 2,29 millions de roupies indonésiennes le salaire minimum à Jakarta, contre 2,2 millions Rps (143 euros) actuellement.
Ce salaire avait été augmenté de 44% l'an dernier à Jakarta et dans des proportions significatives ailleurs dans le pays.
Les syndicats veulent le porter à 3,7 millions Rps en 2014 à Jakarta, soit une hausse de près de 70%.
"Le coût de la vie est en hausse", explique M. Iqbal, citant en particulier une inflation dépassant les 8% ainsi que le récent bond de 44% du prix de l'essence, dû à une réduction des subventions aux carburants.
"De nombreux travailleurs ne peuvent plus payer leur loyer et doivent vivre sous les ponts", affirme-t-il.