Les marchés financiers ont sanctionné jeudi l'annonce du projet de mariage entre le géant européen de l'aéronautique et de la défense EADS et le britannique BAE Systems, mettant en doute l'intérêt de l'opération et sa faisabilité eu égard à son caractère politiquement sensible.
Le titre EADS, qui avait déjà plongé de près de 6% la veille, a poursuivi sa dégringolade à la Bourse de Paris. Il a signé la plus forte baisse du CAC 40 jeudi, avec une chute de 10,20% à 25,15 euros. A Londres, BAE Systems a perdu 6,44% à 340,2 pence à la clôture.
Plusieurs courtiers ont abaissé leur recommandation sur le titre EADS, à l'image de Deutsche Bank ou de Citigroup qui a retiré le titre de la liste de ses valeurs européennes préférées.
Une éventuelle fusion serait positive pour leur notation, même si des obstacles significatifs existent, juge quant à elle l'agence d'évaluation financière Fitch.
Face à la baisse des dépenses de défense en Europe et aux Etats-Unis, EADS et BAE Systems ont annoncé mercredi être en négociations en vue d'une fusion qui créerait le numéro un mondial de l'aéronautique.
Les actionnaires d'EADS détiendraient 60% du capital de la nouvelle entité et ceux du groupe britannique les 40% restants.
Cela implique un ajustement à la baisse du cours d'EADS, ce qui explique en partie le recul actuel, relèvent les analystes de Barclays Bourse. BAE devrait au contraire grimper, ce qui n'est pas le cas car les investisseurs restent sceptiques face au projet.
"Sur le papier, cette nouvelle entité ne manque pas d'attraits et permettrait aux Européens de créer un groupe réellement en mesure de concurrencer les groupes américains du secteur de l'aéronautique et défense", relève Harald Liberge-Dondoux, analyste chez CM-CIC Securities.
"En théorie, cela change complètement la donne pour EADS car BAE réalise une grande partie de son chiffre d'affaires avec le ministère de la Défense américain", renchérit Yan Derocles chez Oddo Securities.
Questions sur les synergies
En 2011, les ventes de BAE aux Etats-Unis se sont élevées à 9,9 milliards d'euros, pour un chiffre d'affaires total de 24 milliards d'euros.
Mais, en pratique, la riposte de Boeing risque d'être redoutable. Pour les analystes de Citigroup, "le défi sera difficile à relever pour le nouvel ensemble afin que ce dernier parvienne à décrocher des nouveaux contrats avec la défense américaine", face à Boeing ou Lockheed Martin.
Le PDG de Boeing, Jim McNerney, a assuré mercredi que le géant américain ne se sentait pas "fondamentalement" menacé par le projet d'alliance.
La question des synergies potentielles soulève aussi des interrogations chez les investisseurs. "BAE et EADS travaillent parfois sur les mêmes secteurs. On a des doutes sur les complémentarités qu'ils vont pouvoir dégager du moins à moyen terme", estime un analyste sous couvert d'anonymat.
Pour Citigroup, "les synergies pourraient être difficiles à concrétiser (...), vu notamment la nécessité de séparer certaines activités sensibles" dans le secteur militaire.
Les deux groupes ont d'ailleurs souligné que "certaines activités de défense pourraient rester séparées et être soumises à des règles de gouvernance spécifiques".
Au final, pour EADS et BAE qui se donnent jusqu'au 10 octobre pour annoncer une transaction ou y renoncer, l'opération reste difficile.
"La fusion pose un certain nombre de problèmes techniques et politiques", rappelle Renaud Murail, gérant chez Barclays Bourse.
"Il y a tellement d'obstacles au niveau des autorités de la concurrence et au niveau politique. N'oublions pas qu'il y a de nombreux Etats derrière ce dossier", renchérit M. Derocles.
Le fait que l'Etat britannique dispose d'une action préférentielle de type "golden share" dans BAE et le fait qu'EADS dispose de filiales en France, Espagne et Allemagne pourraient retarder le processus de fusion, renchérit Citigroup.
Du point de vue de la concurrence, la nouvelle entité va devoir probablement se défaire de certaines activités pour obtenir le feu vert des autorités.