Les derniers salariés de World Tricot Cie, né des cendres de la société qui avait intenté et perdu un procès contre la prestigieuse maison Chanel, doivent quitter leur atelier avant le 5 septembre sur décision de justice malgré des perspectives qui pourraient relancer l’entreprise.
L'ancien sous-traitant de Chanel, World Tricot, ne s'est jamais relevé de son bras de fer contre le géant du luxe qu'il accusait de contrefaçon. Déboutée par la justice en décembre 2009, la PME implantée à Lure (Haute-Saône) a été mise en liquidation judiciaire en juillet 2010.
Chanel a néanmoins été condamné à verser 400.000 euros au petit fabricant de maille de luxe pour "rupture de contrat" et World Tricot à payer 200.000 euros à son ancien employeur pour "dénigrement manifeste".
Mais "aucune des deux parties n'a procédé à un règlement étant donné que le tribunal n'a pas ordonné l'exécution provisoire de la décision et que World Tricot fait appel", selon Chanel.
"La procédure d'appel a été radiée administrativement", ajoute la maison de luxe, parce que le liquidateur de World Tricot n'a pas rendu ses conclusions.
Et l'aventure de l'ancienne gérante Carmen Colle et de ses huit salariés continue: l'association des Amis de World Tricot a racheté en mars, pour 15.000 euros, les machines de la PME liquidée pour donner naissance à la société coopérative World Tricot Compagnie. La nouvelle structure est restée dans les locaux construit en 2003 par World Tricot, qui a travaillé pour les plus grands noms de la mode.
"Je garde espoir"
Or le 29 juillet, le tribunal de grande instance de Vesoul a estimé que World Tricot Cie "est occupante sans titre ni droit des locaux". Il a condamné la coopérative à verser à son liquidateur, Me Jean-Claude Masson, 11.500 euros mensuels à compter du 1er avril, et 500 euros d'astreinte par jour de retard après le 5 septembre.
"Nous n'avons pas l'intention de partir. Pour aller où ? Nous n'avons pas trouvé de locaux adaptés à Lure pour déménager et nous proposons de payer un loyer pour rester", assure Carmen Colle, désormais directrice artistique de la nouvelle coopérative.
"Je garde espoir et j'espère que des bonnes âmes vont nous aider à trouver une solution", ajoute-t-elle.
Les salariés, en vacances au moment de la décision, sont déboussolés.
"Je suis très triste, ça m'a presque rendue malade", confie Clara Coélho, mère de famille de 49 ans. Embauchée par World tricot peu de temps après son arrivée du Portugal en 1991, elle a été reprise par World Tricot Cie.
"Après avoir été licenciées de World Tricot, nous n'avons pas réussi à retrouver un emploi, même pour faire des ménages. On est revenu avec plaisir travailler à la coopérative et du jour au lendemain, notre activité est de nouveau menacée", se désespère Khadija Zanound, 50 ans et mère de trois enfants.
Pourtant, l'entreprise spécialisée dans la maille haut de gamme a de nouvelles perspectives grâce à quatre clients du domaine du luxe, affirme Carmen Colle qui avait l'intention de recruter en septembre pour honorer une nouvelle commande. Les prototypes proposés ont été acceptés, souligne-t-elle.
Elle n'a pas souhaité donner de précisions sur ces contrats à venir pour préserver ces clients potentiels. Car, rappelle Mme Colle, les clients de World Tricot avaient annulé leurs commandes pendant la bataille juridique contre Chanel.