Pour sauver sa banque, PSA Peugeot Citroën a accepté mercredi que l'Etat s'invite à sa tête et que ses actionnaires soient privés de rétribution, mais le constructeur, qui va lancer quatre coopérations avec General Motors, est resté vague sur les contre-parties sociales.
Le groupe automobile en difficultés a annoncé que l'Etat allait apporter jusqu'à 7 milliards d'euros de garanties sur trois ans à sa banque-maison, BPF, fragilisée par les déboires de sa maison-mère.
En échange de cette aide, qui rapportera environ 500 millions d'euros sur six ans à l'Etat, le gouvernement a obtenu d'avoir un oeil au conseil de surveillance du groupe, pourtant totalement privé, et de mettre les actionnaires de PSA au régime sec.
"Mon gouvernement n'a pas du tout l'intention de faire des cadeaux, comme cela, sans engagements", a déclaré sur France Inter le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Il a ainsi obtenu de PSA qu'il ouvre son conseil de surveillance - une instance de direction où siègent des membres de la famille Peugeot et des administrateur indépendants - à un nouvel administrateur, formellement indépendant, mais qui fera office de courroie de transmission avec l'Etat.
Un représentant des salariés entrera aussi dans cette instance, et un autre organisme, chargé du suivi de la garantie bancaire, sera mis sur pied.
Pendant la période de la garantie de l'Etat, PSA s'est formellement engagé "à ne pas procéder à des distributions de dividendes ou à des rachats d'actions, et à ne pas attribuer aux membres du directoire d'options de souscription ou d'achat d'actions ni d'actions gratuites".
Son allié américain General Motors, encore partiellement sous tutelle étatique après avoir déposé son bilan pendant la crise, n'a pas souhaité s'exprimer sur ces annonces.
Cohérent et justifié ?
A la Bourse de Paris, elles ont fait plonger l'action à des niveaux inconnus depuis près de 30 ans (à 5,35 euros). L'action a terminé la séance sur un repli de 4,57% à 5,56 euros dans un marché en hausse de 0,59%.
Les investisseurs avaient aussi pu mettre en balance les difficultés du groupe français avec les résultats étincelants du rival allemand Volkswagen, qui a dégagé sur le seul troisième trimestre 11,3 milliards d'euros de bénéfices... de quoi s'acheter d'un coup cinq PSA!
Les investisseurs sont mécontents, mais les syndicats ne sont pas non plus ravis. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a estimé que le sauvetage de BPF "revient à donner une caution publique de plusieurs milliards d'euros à une entreprise qui annonce parallèlement la suppression de 8.000 emplois. Comment ça peut être perçu comme cohérent et justifié?".
D'autant que les avancées de l'Etat face à PSA sont plus vagues sur le plan social. Le chef du gouvernement a demandé que le groupe, qui prévoit de fermer son site d'Aulnay, près de Paris, revoie sa copie en épargnant des postes.
Mais PSA s'abrite, lui, derrière le dialogue social pour ne pas trop en dire sur ce sujet et reporte les annonces au mois prochain.
Le président du directoire, Philippe Varin, a déclaré que les contreparties voulues par le gouvernement "ne remettent pas en cause (le) plan de redressement"... et donc d'éventuels licenciements.
Le ministre de l'Economie Pierre Moscovici a déclaré à l'AFP qu'il pensait que les avancées sociales seront discutées dès jeudi lors d'une réunion pouvoirs publics-direction-syndicats, qui se tiendra après un Comité central d'entreprise convoqué dans la matinée.
M. Moscovici s'est rendu mercredi à Bruxelles pour présenter les mesures d'aides à la Commission européenne, le gouvernement estimant qu'elles étaient "eurocompatibles".
Simultanément, le groupe, qui a subi une baisse de 3,9% de son chiffre d'affaires à 12,9 milliards d'euros au troisième trimestre, a dévoilé un peu plus sur son alliance avec GM.
Le français et l'américain, qui ont noué une alliance stratégique fin février, vont plancher sur quatre projets industriels communs, dans les monospaces, les véhicules haut de gamme et les petites voitures faiblement polluantes.
Les syndicats de PSA Peugeot Citroën restaient inquiets après des annonces, jugées "légères", et regrettaient le manque de détails, notamment sur les plans de charge à venir des usines des deux constructeurs.
PSA, qui reste très dépendant du Vieux continent, a le couteau sous la gorge: il estime que le marché automobile européen devrait reculer encore plus que prévu cette année, de 9%, contre -8% envisagés auparavant.
Un affaiblissement du marché illustré en Belgique par l'annonce du constructeur Ford de fermer son usine de Genk (nord-est), où plus de 10.000 emplois directs et indirects sont en jeu.