Les États-Unis et l'Union européenne ont donné lundi à Washington un coup d'envoi discret aux négociations visant à créer l'une des plus grandes zones de libre-échange dans le monde, dans un climat assombri par l'affaire de l'espionnage américain qui a fait l'objet d'une brève réunion dans la capitale fédérale.
Le premier round de discussions a été officiellement ouvert vers 14H50 GMT en l'absence des médias, par la représentation américaine au Commerce extérieur (USTR) et le négociateur en chef européen, Ignacio Garcia Bercero. Ce tour de chauffe sur une multitude de thèmes (marchés publics, investissement, propriété intellectuelle...) s'achèvera vendredi par une conférence de presse commune.
L'objectif de l'accord est ambitieux: éliminer l'ensemble des barrières, douanières et surtout réglementaires, qui entravent les échanges entre les États-Unis, première puissance mondiale, et l'Union européenne, son principal partenaire commercial.
"Nous avons l'opportunité de parvenir à l'une des plus grandes alliances de tous les temps", a indiqué dans un communiqué le représentant spécial au Commerce extérieur américain, Michael Froman.
Côté européen, ce nouveau marché de près de 820 millions de personnes est présenté comme un moyen de combattre la récession qui frappe la zone euro depuis six trimestres consécutifs.
"Nous sommes convaincus que cet accord commercial se traduira par davantage d'emplois et de croissance et nous aidera à sortir de la crise économique", a estimé dans un communiqué Karel De Gucht, le commissaire européen au Commerce, sans réaffirmer clairement l'objectif d'un accord d'ici à la fin 2014.
Grosses frictions
Des sujets de discussion explosifs
Des deux côtés de l'Atlantique, chacun reconnaît que les chausse-trappes seront nombreuses. "Nous rencontrerons bien sûr beaucoup de problèmes et des obstacles mais si nous parvenons à un accord, il sera historique", a estimé M. De Gucht.
"Nous devons résister à la tentation de revoir nos ambitions à la baisse et d'éviter des sujets de discussion dans le seul but d'arriver à un accord", a noté M. Froman.
Au terme d'une intense bataille, la France a déjà obtenu à la mi-juin que le secteur audiovisuel soit exclu des discussions, au prix d'un bras de fer avec la Commission européenne qui pourrait reprendre si le sujet revenait sur la table.
De nouvelles frictions pourraient surgir sur l'agriculture et les organismes génétiquement modifiés (OGM), cultivés à grande échelle aux États-Unis et strictement régulés dans l'Union européenne.
Les Américains pourraient eux aussi défendre bec et ongles leurs secteurs protégés et notamment leur législation (Small Business Act, Buy American Act...) qui réserve certains marchés publics en priorité aux PME américaines.
"Nous sommes très inquiets de la volonté de l'UE d'ouvrir à la concurrence les marchés publics" a récemment déclaré à l'AFP Scott Paul, président de l'alliance manufacturière américaine (AAM), principal groupe de défense des intérêts industriels du pays.
Les révélations sur l'espionnage de bureaux de l'UE par l'agence de renseignement américaine (NSA) ont rendu la situation plus électrique encore. Face au tollé, Paris a menacé de suspendre "temporairement" les discussions commerciales avant de se rallier à la solution prônée par Berlin de lancer les travaux sur l'accord commercial mais d'exiger en parallèle des "clarifications" de Washington.
En marge des négociations commerciales, Européens et Américains se sont donc retrouvés lundi dans la capitale américaine pour tenter de crever l'abcès sur cette affaire d'espionnage, selon deux sources proches du dossier. Chacun des 28 Etats-membres et la Commission avaient dépêché un représentant à cette réunion qui n'aura duré qu'une journée et n'a pas débouché sur de grandes avancées.
"C'est une première étape. Il y aura une nouvelle réunion", a affirmé à l'AFP une de ces sources, sans préciser la moindre échéance.
D'après une source française ayant requis l'anonymat, cette journée constituait "le lancement d'un processus de clarification demandé par la France et qui est nécessaire pour rétablir la confiance entre les alliés, notamment au vu du lancement des négociations commerciales".
La question de l'espionnage a par ailleurs été au menu d'une autre réunion lundi à Washington. Lors d'une rencontre bilatérale, des responsables chinois et américains ont débattu du "cyber-hacking" (piratage informatique) avec l'espoir de parvenir à "une vision commune des lois et normes internationales" dans ce domaine, selon le département d'Etat américain.