Privatisé par le gouvernement Cameron, Royal Mail a fait vendredi son entrée en Bourse sur les chapeaux de roues, avec un bond de près de 40% qui alimentait les critiques de syndicats criant au bradage du groupe postal vieux de près de 500 ans.
Au cours des "échanges conditionnels" réservés aux seuls investisseurs institutionnels, qui ont démarré vendredi à la Bourse de Londres avant l'introduction de tous les titres sur le marché mardi, l'action a bondi de 39% dans les premiers échanges. Vers 08H50 GMT, elle prenait encore 34,55% à 444 pence, dans un marché en hausse de 0,52%.
Annoncée en juillet, la vente de Royal Mail constitue la plus importante privatisation dans le pays depuis la grande vague de l'époque Thatcher et Major. Le prix d'introduction a été fixé jeudi à 330 pence par titre, dans le haut de la fourchette prévue allant de 260 à 330 pence, valorisant l'ensemble du groupe à 3,3 milliards de livres (3,9 milliards d'euros).
A l'issue de la privatisation, l'Etat britannique ne disposera plus que d'une part de 37,8%, voire de 30% si l'option de surallocation est entièrement exercée.
Le prix d'introduction avait été fixé jeudi à 330 pence par titre, dans le haut de la fourchette prévue allant de 260 à 330 pence grâce à l'engouement des investisseurs. L'offre a en effet été sursouscrite sept fois, près de 700.000 investisseurs individuels ayant demandé à acheter des titres.
Les deux tiers des actions cédées dans le cadre de l'opération sont allées à des investisseurs institutionnels, le tiers restant revenant aux particuliers. Le personnel de l'entreprise doit recevoir gratuitement pour sa part environ 10% du capital.
Ce bond de l'action en Bourse ne faisait que renforcer les critiques des syndicats, qui sont vent debout depuis l'annonce de la privatisation et crient au bradage d'un symbole de l'identité britannique.
"Cameron récompense ses potes de la City"
"C'est une mascarade, vraiment. L'entreprise a été sous-valorisée. David Cameron récompense ses potes de la City", a dénoncé sur la BBC Radio 4 le secrétaire général du syndicat CWU, Billy Hayes, qualifiant cette privatisation de "tragédie" pour une "entreprise qui a près de 500 ans, privatisée sans raison".
"Il n'y a aucune célébration dans les bureaux (de Royal Mail) de l'ensemble du pays aujourd'hui. Il y a une vraie peur que la privatisation entraîne ce qui s'est passé dans d'autres entreprises de service public: une situation qui empire, des services réduits et des prix plus élevés pour le consommateur", a-t-il poursuivi.
Les salariés se prononcent actuellement sur un appel à la grève. Le résultat de cette consultation sera connu mercredi mais un éventuel arrêt de travail n'aura pas lieu avant le 23 octobre.
Attaqué également par l'opposition travailliste, le gouvernement est monté au créneau vendredi, se défendant d'avoir bradé Royal Mail.
"Il y a toujours une spéculation énorme après une introduction en Bourse de ce genre" mais "ce qui compte est le niveau où le prix s'installe plus tard" dans "trois mois, six mois, plusieurs années", a estimé le ministre du Commerce, Vince Cable.
L'introduction du groupe sur le marché doit permettre "d'aider Royal Mail à survivre et à être compétitif dans un marché très difficile. Ils ont perdu beaucoup de leur activité à cause des emails. Ils doivent lever beaucoup de capitaux privés afin de pouvoir investir", a-t-il répété.
Après des années de pertes, Royal Mail s'est déjà redressé. Son bénéfice après impôts a bondi à 566 millions de livres sur son dernier exercice annuel contre 149 millions un an plus tôt, tiré par l'augmentation du commerce en ligne ainsi que par des réductions de coûts et la hausse du prix des timbres.
Saluant un "début éblouissant sur le marché", Joe Rundle, responsable du courtage chez ETX Capital mettait toutefois en garde les investisseurs contre les fragilités du groupe: "la menace d'une grève pèse toujours et des problèmes structurels comme le manque de capitaux et une stratégie de croissance pas claire devraient peser sur le cours de l'action".