La France a pris de court ses partenaires européens, à commencer par l'Italie dont le chef du gouvernement était en visite vendredi à Paris, en annonçant qu'elle ferait cavalier seul dans l'instauration d'une taxe sur les transactions financières.
"La France n'attendra pas que les autres soient d'accord" pour adopter une taxe sur les transactions financières, a affirmé vendredi soir le président français Nicolas Sarkozy, peu après un entretien avec le président du Conseil italien Mario Monti.
Plus tôt dans la journée, son conseiller spécial Henri Guaino avait été le premier à afficher la détermination de la France sur ce sujet, ce qui avait poussé M. Monti à rappeler Paris à ses devoirs européens, à l'unisson de Bruxelles et de Berlin.
Ce débat intervient au moment où la zone euro suscite de nouvelles inquiétudes. Les bourses européennes, dans le vert dans la matinée, ont d'ailleurs replongé dans l'après-midi, clôturant toutes dans le rouge, à l'exception de Londres.
M. Monti a ainsi jugé "nécessaire que les différents pays européens n'aillent pas en solitaire dans l'application" de cette taxe sur les transactions financières, au sortir d'un déjeuner avec le Premier ministre français François Fillon.
Berlin a de son côté sèchement rappelé que sa position était "inchangée. "Le but est d'aboutir à l'instauration d'une taxe sur les transactions financières dans l'Union européenne", a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert.
Enfin, la Commission européenne a rappelé la nécessité d'une "approche cohérente" entre les pays européens en vue d'obtenir des "résultats efficaces".
Cette nouvelle pomme de discorde entre la France et ses partenaires européens intervient avant une nouvelle rencontre lundi à Berlin entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français, censée harmoniser les positions des deux poids lourds de la zone euro avant un sommet européen à la fin du mois. M. Monti rencontrera également Mme Merkel la semaine prochaine à Berlin, avant de retrouver le couple franco-allemand, rebaptisé "Merkozy" par les marchés, le 20 janvier à Rome.
Les tensions dans le couple franco-allemand ont régulièrement alimenté les inquiétudes des marchés alors que les gouvernements européens peinent à trouver une solution durable à la crise de la dette dans laquelle la zone euro se débat depuis plus de deux ans.
Celle-ci a connu une nouvelle poussée de fièvre, alimentée par de nouveaux doutes sur la solidité du secteur bancaire après l'effondrement jeudi du cours d'UniCredit, la première banque italienne, contrainte de se brader pour se recapitaliser, et l'estimation par le ministre espagnol de l'Economie d'un besoin de provisions supplémentaires des banques de son pays de 50 milliards d'euros.
Ces inquiétudes sur les banques ont du coup relancé les craintes sur les dettes publiques, d'autant que le verdict de l'agence de notation Standard & Poors, qui a menacé d'abaisser la note de quinze pays de la zone euro, est attendu d'un jour à l'autre. Les taux obligataires, à l'exception de ceux de l'Allemagne, sont restés tendus vendredi, le rendement des obligations italiennes à dix ans se maintenant au-dessus des 7%, un niveau jugé insoutenable sur la durée.
"Ce n'est pas la France en particulier qui est visée, mais quinze des dix-sept pays de la zone euro", a rappelé au journal Le Parisien Jean-Michel Six, chef économiste pour l'Europe de Standard and Poor's.
"Le problème est avant tout le fonctionnement de la zone euro, qui laisse à désirer", a-t-il ajouté en dépit du projet de modification des traités européens annoncé le mois dernier, sur lequel les chefs d'Etat et de gouvernement doivent revenir lors de leur prochain sommet le 30 janvier.
La crise de l'euro va aussi continuer à avoir des répercussions au niveau mondial, notamment en Afrique, dont les économies dépendent en partie des échanges avec l'Europe, a souligné vendredi la directrice générale du FMI Christine Lagarde, en visite à Johannesburg.
Les prévisions de croissance mondiale du FMI pour 2012, jusque là de 4%, "devraient être révisées à la baisse" autour du 25 janvier, a prévenu Mme Lagarde.