La Banque du Japon (BoJ) a choisi jeudi de laisser inchangée sa politique monétaire malgré le récent regain du yen qui heurte la troisième économie mondiale, se refusant à toute audace avant un référendum redouté sur le Brexit.
A l'issue d'une réunion de deux jours, son Comité de politique monétaire a maintenu son vaste programme d'achat d'actifs à 80.000 milliards de yens (quelque 660 milliards d'euros), et le niveau des taux négatifs à -0,1%.
Même si ce statu quo était largement attendu, certains analystes espéraient tout de même un nouvel assouplissement (11 sur les 40 économistes interrogés par l'agence Bloomberg News).
De ce fait, la Bourse de Tokyo chutait de près de 3% en deuxième partie de séance et le yen flambait, le dollar chutant à 104,18 yens, un niveau inédit depuis septembre 2014. L'attentisme affiché mercredi par la Réserve fédérale américaine (Fed) jouait également à la baisse sur le billet vert.
- 'Dans le pétrin' -
La BoJ préfère "garder des cartouches dans la perspective" du vote britannique sur la possible sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, avaient anticipé les analystes de Natixis, soulignant qu'"un retrait de l'UE intensifierait les incertitudes économiques", déjà grandes depuis le début de l'année avec le ralentissement des marchés émergents.
Dans son communiqué, la Banque du Japon ne cite pas explicitement la question du Brexit, mais elle évoque les perspectives pesant sur l'économie européenne et les "risques géopolitiques".
Son gouverneur Haruhiko Kuroda en dira sans doute plus lors d'une conférence de presse dans l'après-midi.
"La Banque du Japon est dans le pétrin", a commenté dans une note Chris Weston, analyste chez IG. "Elle doit vraiment espérer que le camp du maintien dans l'UE l'emporte, car sinon la parité dollar-yen tombera probablement sous la barre des 100 yens pour un dollar et la BoJ devra faire quelque chose d'incroyablement percutant pour stabiliser les devises".
Autant dire que lors de sa prochaine réunion fin juillet, elle sera attendue au tournant par les analystes, nombreux à parier sur un geste à ce moment-là. D'ici là, la banque centrale sera également attentive à l'évolution de la politique monétaire américaine et aux élections sénatoriales du 10 juillet au Japon.
- 'Mouvements abrupts' -
L'exécutif a de son côté réitéré jeudi sa menace d'intervention sur les marchés pour freiner ce renforcement de la devise nippone, en dépit des avertissements par ses partenaires du G7 qui avaient appelé fin mai à "ne pas cibler les taux de change".
Le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, a déploré des "mouvements abrupts et spéculatifs". "Si nécessaire, nous apporterons une réponse ferme" à cette situation, a-t-il insisté.
Dans ce climat incertain, le Premier ministre Shinzo Abe avait annoncé début juin un deuxième report de hausse de TVA, par peur qu'elle ne mette en danger la reprise.
En réalité, on ne peut même pas parler de reprise, estime Noriko Hama, économiste à la Doshisha Business School qui s'exprimait mercredi à Tokyo, évoquant une consommation des ménages atone, des entreprises frileuses et des exportations peu vigoureuses.
"L'économie ne peut tout simplement pas supporter une autre augmentation de taxe", a-t-elle souligné, fustigeant l'échec de la stratégie de relance "abenomics" du Premier ministre Shinzo Abe.
Plus de trois ans après la mise en oeuvre de cette politique, qui combine largesses budgétaires, assouplissement monétaire et promesse de réformes structurelles, les résultats sont très mitigés. L'activité stagne et la Banque du Japon n'a toujours pas réussi à revigorer l'inflation, freinée de surcroît dans sa tâche par la glissade des cours du pétrole.
Très loin de sa cible d'inflation de +2%, elle a pointé jeudi la tendance "légèrement négative" sur le volet des prix à la consommation, qui ont encore reculé en avril, et s'est dit prête à "prendre de nouvelles mesures" le moment venu.