Le groupe Moneo veut mettre dans la poche des salariés français des titres restaurant sous forme de carte à puce, prenant de court les Ticket Restaurant et autres Chèque déjeuner "papier", qui attendent toujours le feu vert de l'Etat pour se lancer.
Moneo Resto, format carte bancaire, sera distribué à partir du 1er janvier 2013 par les employeurs à leurs salariés une seule fois pour une durée de validité de trois ans. Le compte du salarié sera rechargé chaque mois automatiquement, à distance.
Bien que les concurrents le contestent, il s'agit d'une "carte répondant aux exigences réglementaires en vigueur" et "émise sous surveillance de la Banque de France", a assuré mardi Serge Ragozin, le président de Moneo.
Le groupe mettrait ainsi les pieds sur un marché de 700 millions de titres en circulation chaque année, ce qui représente 5,5 à 6 milliards d'euros de volume d'émission.
"Notre ambition c'est 10% de part de marché en 2017", soit un "volume d'affaires autour de 600 millions d'euros", a dit M. Ragozin.
Il promet moins de tracasseries administratives et logistiques aux employeurs comme aux restaurateurs, et des commissions "environ 20% inférieures" à celles pratiquées sur le marché.
La carte à puce sera avantageuse pour le salarié en cas de perte ou de vol, le crédit n'étant pas perdu à la différence du papier.
Par contre, avec la carte, fini le titre restaurant donné aux enfants ou au conjoint pour changer du quotidien de la cantine. L'interdiction de rendre la monnaie et la limite des deux titres par repas demeurent.
Les acteurs historiques cueillis à froid
Les acteurs de ce marché, né il y a cinquante ans en France pour permettre aux salariés de s'offrir un repas chaud a midi, moyennant des avantages fiscaux, ont été cueillis à froid mardi.
Ces émetteurs, dont le numéro un mondial Edenred (Ticket Restaurant) et la coopérative Chèque Déjeuner, n'attendaient que le feu vert des pouvoirs publics pour lancer leurs propres cartes, déjà courantes dans d'autres pays.
Emettre une carte "vient en totale contradiction avec ce que nous disent les pouvoirs publics depuis 18 mois", a réagi auprès de l'AFP Catherine Coupet, présidente de l'association des émetteurs (APETDS).
"Nous avons immédiatement interpellé nos ministères", qui, selon elle, ont toujours assuré qu'un titre dématérialisé ne pouvait être mis en oeuvre sans modifier la loi. Des réunions sont régulièrement organisées à Bercy sur ce thème, l'une devant même se tenir la semaine prochaine, ajoute-t-elle.
De son côté, M. Ragozin de Moneo assure avoir "informé préalablement (...) beaucoup d'administrations au sein de Bercy", dont le cabinet du ministre de l'Economie Pierre Moscovici, ainsi que le ministère du Travail, sans avoir "jamais eu d'objections sur quoi que ce soit".
Contactés, les ministères n'avaient pas précisé à la mi-journée leur position sur ce dossier.
"Je ne me serais jamais lancé et (n'aurais) engagé Moneo dans une aventure si légalement elle ne tenait pas la route", a assuré M. Ragozin à l'AFP.
Pour Moneo, qui n'a jamais réussi à imposer son porte-monnaie électronique lancé en 2009 pour les paiements de la vie quotidienne, Moneo Resto est un gros enjeu.
Cette carte pourrait représenter dans cinq ans un tiers de son activité, qu'il a déjà entrepris de diversifier, émettant des cartes de restaurants universitaires, ou des cartes "jeunes" pour le compte de régions.