par Marine Pennetier et Cyril Altmeyer
PARIS (Reuters) - François Hollande devrait trancher mercredi le différend qui oppose ses ministres de la Défense et des Finances sur les moyens d'adapter le dispositif militaire de la France à la nouvelle donne sécuritaire née des attentats de janvier sans faire déraper les déficits.
Au delà de cet arbitrage délicat, c'est l'engagement du chef de l'Etat à stabiliser les effectifs de la fonction publique qui pourrait être fragilisé.
Il a prévu de prendre la parole à l'issue du conseil de défense qui se réunira à 09h00 à l'Elysée avec comme ordre du jour l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, objet d'un bras de fer budgétaire entre Jean-Yves le Drian et Michel Sapin depuis plusieurs mois.
L'enjeu est de taille. Déjà très sollicitée sur les théâtres extérieurs, notamment au Sahel et dans le Golfe, l'armée française est depuis janvier sous tension sur le sol national avec la mobilisation de quelque 10.000 hommes dans le cadre de l'opération Sentinelle.
Le dispositif, qui vise à protéger les lieux sensibles, coûte un million d'euros par jour.
Face à cette situation sécuritaire qualifiée d'"exceptionnelle" par le gouvernement, la suppression de 34.000 postes prévue dans le cadre de la LPM - l'armée étant le premier service appelé à compenser les hausses d'effectifs dans l'éducation nationale et la police/justice - s'est rapidement révélée caduque.
Dès janvier, François Hollande a annoncé que, sur ce total, il renonçait à en supprimer 7.500 pour faire face aux besoins sécuritaires. Mi-mars, il a ouvert la voie à une adaptation supplémentaire des réductions d'effectifs, sans citer de nouveau chiffre.
A la Défense, on estime qu'il faut sauver au total 18.500 postes.
"Ces 18.500 postes doivent permettre d'être en permanence en capacité de déployer sur le territoire national 7.000 soldats" dans la durée comme l'a souhaité mi-mars le chef de l'Etat, indique-t-on.
ARBITRAGES
A la question des effectifs, s'ajoutent celle des coûts additionnels liés à l'usure des équipements et celle des capacités et des moyens (hélicoptères et drones d'observation notamment).
L'ensemble de ces nouvelles demandes représente entre cinq et dix milliards d'euros, un montant auquel Bercy oppose les économies permises par la baisse des prix du pétrole.
François Hollande doit également trancher le dossier des sociétés de projet, qui cristallise les tensions entre la Défense et les Finances.
Ce dispositif doit permettre de compenser l'absence des 2,3 milliards d'euros de recettes exceptionnelles pour stabiliser le budget du ministère de la Défense à 31,4 milliards cette année.
Décriée par Bercy pour son coût final, l'idée de ces "sociétés de projet" (SPV) est d'acheter à l'Etat des matériels militaires pour les relouer ensuite à l'armée.
Jean-Yves Le Drian a indiqué que ces SPV seraient créées "à l'été" et qu'elles se limiteraient pour cette année à deux types de matériels : trois frégates FREMM et quatre avions de transport militaire A400M d'Airbus (PARIS:AIR).
En mars, à l'Assemblée nationale, Michel Sapin estimait "que les sociétés de projet présentent un certain nombre d'inconvénients. Il n'est donc pas interdit de s'interroger sur d'autres solutions".
"Ni nous ni l'Elysée n'avons reçu la moindre proposition alternative", dit-on au ministère de la Défense.
"S'ils ne veulent pas qu'on crée les sociétés de projet et qu'ils nous donnent directement des crédits budgétaires, ça nous va aussi, ça nous est totalement égal du moment qu'on ait les 2,3 milliards".
"Si on n'a pas ces 2,3 milliards, mi-août on est en cessation de paiement du point de vue des équipements", a-t-on ajouté.
Lors de la présentation de ses voeux aux forces armées en janvier, François Hollande avait indiqué que les sociétés de projet seraient mises en oeuvre cette année.
"Il n'est pas certain que ce soit tranché cette semaine, on est allés très loin dans les divergences" entre Bercy et la Défense, souligne une source proche du dossier. "François Hollande a dit que c'était une solution valide, parmi d'autres".
(Edité par Yann Le Guernigou)